
« Le conserve la conviction que c’est le plus bel endroit du monde. Je ne parle pas de la ville elle-même, mais du trait de côte, de cette poussière d’îles dans l’estuaire de la Rance... » Voilà qui est dit, et bien dit par l’écrivain baroudeur Jean Rolin. Des propos qui ne défriseront pas nos « voisins » anglais, eux qui offrirent dans les années 1880 à ce village de marins dépendant de la paroisse de Saint-Énogat (c’est par un décret présidentiel de 1921 que la commune Dinard-Saint-Énogat gagne le droit de s’appeler « Dinard ») son prestige de « plus belle plage de la côte d’Émeraude » ; la ville en dénombre quatre : du Prieuré, de l’Écluse, de Saint-Énogat et du Port-Blanc. Ce côté « so british », Dinard l’a conservé. Certes, l’aristocratie ne se rend plus en grand équipage au champ de course (même si l’annuel Jumping International attire l’élite du monde hippique) avant d’aller siroter un single malt au Café anglais, dont la façade en briques rouges animée de grandes baies blanches abrite l’une des bonnes tables dinardaises. Mais persiste ce quelque chose ayant à voir avec un décontracté chic qui impose que l’on donne une autre valeur au temps.
Un petit air « so british »

L’empreinte anglo-saxonne se fait encore ressentir grâce aux villas. Celles-ci ont poussé, dès la fin du XIXe, tels des champignons sous l’action de personnalités comme les Américains William et Lyona Faber ou le comte Joseph Rochaïd-Dahdah. À grand renfort d’opérations immobilières ambitieuses, ils ont transformé la physionomie de la commune. Les villas aux styles architecturaux les plus libres et hétéroclites fleurirent de la pointe du Moulinet à la Vicomté ; un établissement de bains de mer est créé, et de nouveaux quartiers, comme celui très « trendy » de la Vicomté, voient le jour. Une gare, la halle de la Concorde, une église anglicane (Saint-Bartholomew) sortent de terre, un yacht-club attire les plus belles unités à voile des chantiers navals britanniques, de belles avenues arborées se bordent de villégiatures à l’architecture anglaise, avec bow-windows et toit-terrasse... Dinard acquiert une telle notoriété que la littérature touristique ne résiste à aucun surnom pour attirer touristes et investisseurs nationaux et internationaux : « La Monaco des étrangers », « La Nice du Nord », « La Reine des plages »...

Pour admirer cette constellation de « petits châteaux maritimes » et autres villégiatures balnéaires qui se dressent face à la mer, de la pointe de la Malouine à l’ouest à celle du Moulinet à l’est, deux possibilités : suivre en bateau la partie dinardaise de la côte d’Émeraude (la navette entre Saint-Malo et Dinard offre une vue splendide) ou musarder au gré de la promenade du Clair-de-Lune. Aménagée en 1930, cette balade romantique se déploie au pied des falaises et en léger surplomb au-dessus des flots sur 7,5 kilomètres (le tronçon le plus court et le plus emprunté démarre de la plage du Prieuré jusqu’à l’embarcadère du Bec de la Vallée). Facile, ce chemin côtier bordé de palmiers (voir la palmeraie du quai de la Perle) et d’une végétation aux senteurs méditerranéennes passe au pied de villas historiques.

Paradisiaques de la côte

Postée en vigie à l’extrémité de la pointe de la Malouine, la villa des Roches Brunes figure parmi les stars de la côte. Commandée à l’architecte Alexandre Angier en 1893 par le grand couturier parisien Émile-Martin Poussineau, elle arbore un original style néo-Louis XIII très marqué Belle Époque. La villa de l’allée des Douaniers est la propriété de la municipalité qui y organise des activités culturelles. Boulevard de la Mer, toujours à la pointe de la Malouine et à l’extrémité de la plage de Port-Salut, la villa Greystones, bâtie à partir de 1938 par l’architecte Michel Roux-Spitz dans un style néoclassique, a des faux airs de forteresse sertie d’un vaste jardin peuplé d’œuvres d’art contemporaines monumentales. Malheureusement, Greystones ne se visite pas... à moins que son propriétaire, l’homme d’affaires breton François Pinault, ne vous y invite. Plus loin sur ce délicieux sentier côtier, là où l’on double la pointe du Moulinet, trône la splendide villa Saint-Germain. Construite pour François de Rochechouart, marquis de Mortemart, en 1870, cette imposante bâtisse de pierre de 28 pièces est environnée d’un parc de 2 hectares où l’on peut encore admirer un fortin Napoléon III.