Grandeur et décadence des moines de Brantôme
Ils vivaient en autarcie, coupés du village dans leur magnifique abbaye. Petite histoire de cette communauté de bénédictins.
Ils ont d’abord été homme des cavernes. Au 9ème siècle, des moines bénédictins découvrent à Brantôme (Dordogne) le lieu où ils fonderont leur abbaye. Les premiers Brantômois seront les ouvriers chargés de la construire. En attendant, les religieux s’installent dans les grottes où ils ont découvert de l’eau potable. Cette source, devenue miraculeuse, attirera plus tard des pèlerins en route vers Compostelle.
La fontaine Saint-Sicaire est en effet censée soigner les enfants et guérir la stérilité. Elle permet aussi aux religieux de créer des viviers. Les moines vivent donc des poissons, des dons… et des pigeons. À cette époque, leur possession est très réglementé : vous avez le droit à un pigeonnier par demi hectare de terre possédé. Les bénédictins ont beaucoup de terre, donc beaucoup d’oiseaux. Leur viande et leurs fientes (pour l’engrais) se vendent très bien, et cher.
Les moines ont encore besoin d’une chose : une église. La première sera sculptée, dans les murs de la Grotte du jugement dernier.
La partie supérieure, au centre, représente sûrement une idole païenne, impossible à dater. En-dessous, la mort triomphe. Elle a été sculptée au 15ème siècle, alors que la peste faisait des ravages. La crucifixion, à droite, a été ajoutée au 17ème, comme une réponse de la vie à la mort, dans cette époque apaisée. Une autre théorie suppose que cette fresque est une commande destinée à compenser un manque : cette caverne-église n’est pas orientée vers Jérusalem…
Une fois installée dans leur abbaye, les moines vivent dans le confort, voire le luxe. Les viviers leur fournissent des truites, les potagers donnent des légumes, et les vignes produisent du vin – une piquette, a priori. « Vers le 17ème siècle, il y a surement eu un peu de décadence, s‘amuse Julie Martinet, directrice de l’office de tourisme. On dit que les moins menaient une vie un peu dissolue. » Au 16ème siècle, le cardinal fait même élever un château. Seule demeure un pavillon renaissance.
L’abbaye Saint-Pierre a échappé à la destruction plusieurs fois. Au 16ème siècle, l’abbé Pierre de Bourdeille la sauve de la colère des réformés. « Il les a accueilli, leur a offert un repas et … ils sont allés brûler l’abbaye à La Chapelle-Faucher, 7 kilomètres plus loin », raconte Julie.
Mais la belle vie est presque finie. Les huit derniers moines partiront à la Révolution. Les bâtiments deviendront dépôt de mendicité, école, ou simple bâtiment à l’abandon. Les aménagements touristiques ne leur ont redonné vie que dans les années 80.