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Près de Sélestat, une balade forestière en très bonne compagnie

Le rocher des Géants (949 m), par exemple, qui possède une centaine de cupules en son sommet, surplombe le sentier à 15 m de hauteur. Selon la légende, les fées y préparaient leurs philtres et décoctions... Le rocher des Géants (949 m), dans le massif du Taennchel, possède une centaine de cupules en son sommet, surplombe le sentier à 15 m de hauteur. Selon la légende, les fées y préparaient leurs philtres et décoctions... - © Bertrand Rieger / Détours en France

Publié le par Florence Donnarel

Dans le piémont des Vosges, à une vingtaine de kilomètres au sud-ouest de Sélestat, des houles forestières protégées, des rochers aux formes curieuses et un haut pouvoir énergétique font du massif du Taennchel un site d’exception. Nous avons succombé à l’appel de sa forêt aux côtés de ceux qui la protègent.

La Roche pointue, ou Spitzigfelsen, a des allures de sanglier assis, certains y voient même un museau. Ce conglomérat de quartzite aux différentes couleurs est l’un des plus imposants et des plus remarquables de cette terre de légendes. Elle atteint 8,5 m de hauteur pour 11 m de longueur environ et semble être un vestige d’un antique temple dédié à une quelconque divinité sylvestre.
La Roche pointue, ou Spitzigfelsen, atteint 8,5 m de hauteur pour 11 m de longueur environ et semble être un vestige d’un antique temple dédié à une quelconque divinité sylvestre. © Bertrand Rieger / Détours en France

Les amis du Taennchel nous ont donné rendez-vous à Notre-Dame-des-Bois, plaçant définitivement notre randonnée sous le signe des arbres. À la sortie du village de Thannenkirch, sur le piémont des Vosges au-dessus de Bergheim, le sculpteur Pascal Bosshardt a ciselé une vierge dans le tronc d’un chêne à l’orée du bois. « Notre association Les Amis du Taennchela été créé en 1974 pour protéger le massif d’une trop forte exploitation forestière qui entraînait des coupes rases et la multiplication de chemins de débardage », explique Marie-Odile  Guth. Celle qui a aussi œuvré à la création du Parc naturel régional des Ballons des Vosges en 1989 (elle fut sa première directrice) ouvre la marche en empruntant le chemin qui grimpe au nord vers des carrières. Thannenkirch a exploité son granite jusque dans les années 1960. Les gros blocs amoncelés au milieu des herbes ? « Destinés à la construction du mur de l’Atlantique », précise Hubert Bihl, trésorier de l’association. Et d’ajouter que des tailleurs de pierre du village ont participé à la reconstruction du château du Haut-Koenigsbourg, à quelques kilomètres. Notre sentier contourne le front de taille et traverse une chênaie semée d’intrigants dômes, fourmilières témoignant de la bonne santé des sols. Le parcours offre ensuite une leçon de botanique dans un bois clairsemé où des panneaux présentent les grands arbres (érable sycomore, hêtre...).

Campement de bûcherons communaux, dont la mission est de replanter des pins Douglas à proximité du rocher des Géants.
Campement de bûcherons communaux, dont la mission est de replanter des pins Douglas à proximité du rocher des Géants. © Bertrand Rieger / Détours en France

Bientôt, le sentier nous hisse sur une crête au lieu-dit de Schillig. Le regard peut alors plonger sur la vallée de Sainte-Croix-aux-Mines au nord-ouest ou s’élever, au sud-ouest, vers le massif du Taennchel qui décrit un arc au-dessus du village de Thannenkirch. Il nous faut marcher près d’un kilomètre sur une piste en balcon pour rejoindre le parking du Rotzel, à 728 mètres, point de départ privilégié pour explorer le massif.

Aux abords du lieu-dit de Schillig figure une croix datant de 1754, probablement dédiée à la mémoire d’un bûcheron décédé en cet endroit
Aux abords du lieu-dit de Schillig figure une croix datant de 1754, probablement dédiée à la mémoire d’un bûcheron décédé en cet endroit © Bertrand Rieger / Détours en France

Une bulle enchantée

« Des géobiologues ont attesté d’une grande concentration d’ondes cosmo-telluriques sur le Taennchel. Ces ondes rayonnent depuis le noyau terrestre et auraient des effets positifs et négatifs qui attirentles curieux et les chasseurs de surnaturel », poursuit Marie-Odile. Les formes étranges des rochers en grès nourrissent aussi l’imaginaire. « Le massif est composé d’un socle de granite imperméable sur lequel est posée une masse de grès poreuse et fissurée. À la jonction entre lesdeux roches, jaillissent des sources », rappelle Hubert alors que nousnous désaltérons à l’une d’elles. L’étroit sentier qui monte lentement sur le flanc est du Taennchel nous immerge lentement dans l’univers feutré de la forêt. Au sol, un capiton de feuilles et de mousses soyeuses amortit nos mouvements. C’est ainsi, dans une bulle enchantée, que nous débouchons sur un enchevêtrement de grands blocs dessinant un entablement à quelque 940 mètres : le rocher des Géants. Le parcours se met ensuite à serpenter sur un plateau foisonnant de chênes, de hêtres, de sapins, de pins sylvestres, d’épicéas, « enfin débarrassé des chemins forestiers grâce au travail de l’association qui a pratiquement mis fin à l’exploitation sur le sommet », se félicite Marie-Odile. Bientôt, un parapet en pierre impose sa présence sur 2,3 kilomètres. Un mur dit « païen » qui marquait probablement la limite entre des terres communales et seigneuriales.

Parcouru par le GR532, aux nombreux et salvateurs panneaux d’orientation, Taennchel présente une autre énigme : le mur païen. Cette enceinte de pierre d’une dizaine de kilomètres fut-elle bâtie par les Romains ou au Moyen Âge ? Mystère...
Parcouru par le GR532, aux nombreux et salvateurs panneaux d’orientation, Taennchel présente une autre énigme : le mur païen. Cette enceinte de pierre d’une dizaine de kilomètres fut-elle bâtie par les Romains ou au Moyen Âge ? Mystère... © Bertrand Rieger / Détours en France

Le parcours se poursuit, égraine les étonnantes formations rocheuses et les vues remarquables sur la plaine d’Alsace. On distingue les châteaux de Ribeauvillé. À l’extrémité du plateau, au rocher de la Paix d’Udine une inscription gravée y célèbre la fin de la campagne d’Italie de Bonaparte), débute la descente sur le versant ouest, parmi les chênes et les herbes hautes.

Sur le chemin, on tombe parfois sur une jolie borne d’orientation gravée en grès.
Sur le chemin, on tombe parfois sur une jolie borne d’orientation gravée en grès. © Bertrand Rieger / Détours en France

Le chemin contourne ensuite le massif par le sud puis se dirige au nord, vers le village, à moins de 2 kilomètres. Là, le massif révèle un autre visage : une forêt sombre, abondamment peuplée de hêtres en cépée au port gracieux. Une manière d’imprimer sur nos rétines la beauté mystérieuse et la prodigalité du Taennchel. Ne manque plus que la vision du château du Haut-Koenigsbourg émergeant des forêts environnantes alors que nous redescendons vers Thannenkirch.

Sources

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