Depuis le col d’Aspin, à 1489 mètres d’altitude, la vallée d’Aure révèle sa topographie. De part et d’autre d’Arreau, tout en bas des pentes, on devine son sillon, orienté nord-sud comme la plupart des entailles pyrénéennes. La coulée est enchâssée entre des sommets s’élevant à mesure que l’on va vers le sud. L’axe aurait pu se terminer en impasse, s’il n’était prolongé par le tunnel d’Aragnouet-Bielsa vers l’Espagne. Alors, vallée ouverte ou fermée ? À vrai dire, la visite donne l’impression d’une combinaison heureuse entre les usages du passé et les engagements modernes. De bon augure pour les touristes…
Le val d'Aure

Saint-Lary-Soulan, une journée de fin d’été. Sous un soleil ardent, il y a du monde dans la rue centrale, bordée de bâtiments récents en granite avec balcons, maçonnés à l’ancienne. Commerçante, la rue est l’épicentre d’un territoire où convergent les randonneurs l’été et les skieurs l’hiver. Au massif du Néouvielle et à la vallée du Rioumajou, grands spots de marche tranquille ou sportive aux beaux jours, répondent deux stations de ski majeures parmi les meilleures des Pyrénées, Le Pla-d’Adet-Espiaube et Piau-Engaly. Sous l’impulsion notable de la famille Mir, Saint-Lary-Soulan a joué crânement dès les années 1950 la carte du tourisme. Jusqu’à devenir – Parc national des Pyrénées, tunnel d’Aragnouet-Bielsa et centre thermal aidant – un pôle majeur de ski et de villégiature. L’esprit d’innovation perdure, en témoigne le projet de requalification de Piau-Engaly. En permettant aux jeunes de trouver du travail et aux actifs agricoles de compléter leurs revenus grâce aux emplois saisonniers en stations, il a participé au maintien d’une population et d’une vie pastorale sans cela en péril. La fréquentation induite par le ski et les activités outdoor estivales semblent être ici les meilleures garantes de la sauvegarde des traditions rurales. Les traditions, parlons-en. En vallée d’Aure, elles peuvent se résumer en trois thèmes : eau, agriculture de montagne et petit patrimoine local. L’eau est ici une affaire de Nestes, nom donné à tous les cours d’eau qui convergent vers Arreau avant de filer au nord dans la Garonne. Neste d’Aure, de Rioumajou, de Couplan, du Louron, du Moudang... Venues du fond des cirques ou s’écoulant de lacs tels Cap de Long, Orédon, Aubert, Aumar et Oule, quinté classique d’une randonnée dans la réserve naturelle du Néouvielle, elles ont contribué à nourrir hommes et bétail. Deux types d’ouvrages le prouvent : les fontaines-abreuvoirs et les moulins. Les premières sont une curiosité. En parcourant les routes étroites à lacets liant les villages de versants (Estansan, Sailhan, Grailhen, Gouaux, Tramezaïgues...), on découvre leur architecture insolite, associant auge pour les bêtes et source pour les hommes. Parmi les plus belles, celles de Vignec et d’Auzet valent le détour. Au XIXe siècle, ces fontaines ont été un progrès pour des villageois contraints jusque-là de chercher l’eau au torrent. Point de rencontre, elles ont aussi fortifié les relations sociales. Au passage, on n’oubliera pas d’aller remplir sa gourde à la fontaine de Saint-Lary-Soulan, servie par la gueule amicale d’une tête d’ours en bronze. La présence de moulins, comme jadis celle de scieries et de filatures, est plus classique. Deux ont été restaurés et dévoilent leur jolie architecture en pierre: la Mousquère à Sailhan et Guchan. Le second rappelle qu’ils avaient aussi une fonction domestique : le logement du meunier y est intégré, avec ici une belle galerie courant au premier étage.

Des villages typiques

Venir en vallée d’Aure, c’est aussi découvrir d’autres aspects du patrimoine. Quatre villages sont à visiter absolument : Azet, Vielle-Aure, Soulan et Aulon. Azet séduit par son architecture déployée autour du cercle de l’église-cimetière, agrémentée de granges aux longs toits d’ardoise. Une quinzaine d’agriculteurs y sont encore en activité, occupés l’été sur les estives du col d’Azet (1 580 m), passage vers le Louron. En fond de vallée, apparaît une belle enfilade de maisons en pierre, illustrée par une ferme auroise typique à cour fermée. Soulan, hameau de versant de Saint-Lary, charme par sa disposition en balcons et ses venelles sommaires. Aulon est notre coup de cœur. En cul-de-sac et posé sur un éperon rocheux, il semble écrasé par les montagnes, l’Arbizon (2 831 m), le pic d’Aulon (2738 m) et le pic de Montfaucon (2 712 m). Avec son Bistrot de Pays et ses maisons traditionnelles, dont quelques cheminées sont chapeautées de pierres, il a fière allure. Les amateurs d’églises n’oublieront pas de découvrir celle d’Ens. Son clocher-mur et son portail du XIIe siècle avec linteau sculpté et porte en ferronnerie sont splendides. Tout comme l’est la chapelle ronde d’Agos, à Vielle-Aure, restaurée sous l’influence de Viollet-le-Duc. Avec Saint-Lary-Soulan, Arreau constitue l’autre étape « urbaine » de la vallée. On a un faible pour ce bourg, planté à la confluence des Nestes d’Aure et du Louron. Carrefour renommé entre l’Aragon, le Comminges et la Bigorre, il fut la capitale administrative, commerçante, religieuse et judiciaire. Son patrimoine en porte la trace, avec le château des Nestes, ex-commanderie, la mairie-halle et la Maison des Lys (XVIe siècle), hommage probable à Louis XI après l’allégeance du territoire au royaume de France, en 1475.
Les bergers en vallée d'Aure

Quant au pastoralisme sur les pâtures d’altitude, il faut grimper haut pour le voir. Dans les odeurs de foin estivales et le tintement des sonnailles, la route d’accès au col du Portet (2215 m) donne la mesure de cet élevage extensif d’estives. Oubliant l’architecture peu reluisante du Pla d’Adet, l’itinéraire donne accès aux troupeaux de vaches et de brebis auroises, évoluant en liberté. À pied, les courageux grimperont aux granges de Lias (au-dessus de Soulan) ou au Courtaou d’Auloueilh (au-dessus d’Aulon), autres lieux d’estive. Pas question de quitter la vallée d’Aure sans se hisser dans la combe de Rioumajou. Très nature, on y croise en ce jour de septembre une partie des 900 brebis de plusieurs éleveurs. Leur berger, Thierry, gère le troupeau, entretenant comme jadis les paysages d’altitude et leur biodiversité. Une belle image finale pour ce territoire qui mixe avec obstination tradition et avenir.