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Ces merveilles méconnues de la Sainte-Baume en Provence

Le saut du Cabri en bordure du plateau calcaire de Mazaugues dans le Parc Naturel Régional de la Sainte-Baume dans le Var. © Manuel Cohen / Détours en France

Publié le par Vincent Noyoux

Du massif de la Sainte-Baume, on connaît surtout les falaises et la grotte de Marie-Madeleine. Mais son parc naturel cache bien d’autres merveilles : des villages perchés, des vignes, des rochers sculptés et, surtout, des plateaux gorgés d’une eau précieuse et invisible…

C’est une montagne sacrée au cœur des collines provençales. Selon la tradition, Marie-Madeleine passa les trente dernières années de sa vie dans une grotte, « baumo » en provençal. Mais la Sainte-Baume en abrite bien d’autres, profanes celles-ci. Plus de deux mille sont répertoriées à ce jour sur l’ensemble du massif, immense vague minérale longue de quelque 35 kilomètres. « La plus imposante de ces cavités est un aven de 340 mètres de profondeur », nous précise Aurore Fauchas, chargée de mission « ressource en eau » au parc naturel régional de la Sainte-Baume. Nous sommes penchés au-dessus de l’abîme de Maramoye, un gouffre qui descend à 140 mètres. La partie visible en plein air forme un vaste puits de plus de 30 mètres tapissé d’une luxuriante végétation de fougères qui lui donne un air quasi tropical. Les écoles de spéléologie aiment s’enfoncer dans cet aven typique du relief karstique. « Ici, sur le plateau de Siou Blanc, le calcaire affleure, fracturé. L’eau de pluie s’y infiltre par un réseau de failles et de conduits, principalement d’octobre à décembre. Environ 30 % de l’eau de pluie rejoint ce réseau souterrain si difficile d’accès, parcourant parfois des dizaines de kilomètres. Une partie de cette eau souterraine rejaillit à la surface, voire rejoint directement la mer sans voir la lumière du jour. C’est le cas de la rivière sous-marine de Port- Miou, dans les calanques de Cassis. » Ne nous fions pas aux apparences : l’aridité de surface masque des masses d’eau souterraines d’envergure qui font de la Sainte-Baume le château d’eau de la Basse-Provence. « Aubagne et Toulon boivent l’eau de Sainte-Baume ! », nous apprend Aurore. Sous l’Ancien Régime, on produisait même de la glace « naturelle » grâce aux nombreuses glacières du massif.

 

Une Provence karstique

Le ruisseau dans les Gorges du Caramy dans le Parc Naturel Régional de la Sainte-Baume dans le Var.
© Manuel Cohen / Détours en France

Sur le plateau de Siou Blanc, l’érosion karstique a formé des lapiaz, champs de roche crevassée, en lame de couteau. Elle a si bien sculpté, percé, découpé, évidé le calcaire qu’il en résulte parfois des créations surprenantes, tel l’Éléphant. Cet animal de pierre, quatre pieds et une trompe, est tout ce qui reste d’une roche qui s’est détachée des autres, le reste ayant fondu comme du savon. D’autres sites naturels présentent des formes improbables, comme les aiguilles de Valbelle ou, en allant vers Brignoles, les dolomies de la Loube. Le lendemain matin, Aurore nous convie en bordure du plateau de Mazaugues, dont la terre rouge vif trahit la présence de bauxite, roche exploitée jusqu’en 1985. Bientôt, une cassure apparaît dans le relief, marquant la naissance des gorges du Caramy. Cette rivière « made in Sainte-Baume », à l’instar du Gapeau et de l’Huveaune, a plusieurs origines. Les sources hautes ont pour décor le Saut du Cabri, un spectaculaire chaos rocheux. Plus en aval, le décor change du tout au tout : chênes blancs et pins étendent un manteau touffu autour du cours d’eau qu’alimente l’eau de ruissellement. Une charmante cascade est bordée de vasques formant d’innombrables bourrelets calcaires. « Les mousses fixent le carbonate, et plus l’eau est riche en carbonate, plus le tuf se concentre. » Un paysage aussi beau que fragile, à l’instar des sources de l’Huveaune, de l’autre côté de Sainte-Baume. En 2019, un post sur Facebook montrant les vasques turquoise de cette rivière avait attiré les foules de touristes au point de dégrader fortement le site. Afin de mesurer la qualité physico-chimique de l’eau, Aurore trempe sa sonde dans la source de la Figuière, étrangement située au-dessus du lit de la rivière. « C’est une sortie karstique : l’eau sort à gros bouillons d’une grotte dans laquelle elle est retenue en période de crue exceptionnelle. » Les mesures sont rassurantes : « L’eau de Sainte-Baume est d’excellente qualité. » Les baigneurs ne s’y trompent pas et aiment à se rafraîchir dans l’onde menthe à l’eau des gorges, sur fond de hautes falaises blanches.

 

Les secrets de Sainte-Baume

Le village médiéval perché d'Evenos dans le Var.
© Manuel Cohen / Détours en France

Aux marges sud du parc naturel régional, le relief descend en restanque vers la mer dans un merveilleux amphithéâtre de collines boisées. C’est dans ce cadre idyllique que pousse le vignoble de Bandol, l’un des premiers à bénéficier d’une AOC (1941). « Beaucoup de vignerons se sont installés ici pour la beauté de la région », confie Agnès Henry, propriétaire du domaine de la Tour du Bon. Au pied du Castellet, ce domaine familial séduit au premier regard : une belle bâtisse en pierre parmi les rangées de mourvèdre et de grenache. Derrière les pins, la Sainte-Baume. Ici, on produit pour moitié du rosé, mais attention ! Pas le genre à se boire avec des glaçons. Un rosé de garde, pulpeux, fin, polyvalent en vieillissant. « Contrairement au rosé de Provence, nos vignes ne sont pas irriguées et sont vendangées à la main. Nous avons de petits rendements. » Et une complexité bien supérieure. Située en partie sur le parc naturel régional de la Sainte-Baume, la Tour du Bon se veut un domaine pilote : « Bio, respectueux de la nature et engagé à créer un milieu favorable à la sauvegarde de la biodiversité. » Veillant sur ce vignoble ensoleillé, une guirlande de villages perchés nous fait la plus provençale des cartes postales. Prenez Le Castellet, par exemple, juché sur son pic cerné de vignes, de cyprès et de bosquets de pins. On y voit des placettes ombragées de mûriers et l’ancien château des vicomtes de Marseille. Marcel Pagnol y a tourné La femme du boulanger, en 1938, et les engins vrombissent toujours sur le circuit Paul-Ricard, créateur de la célèbre boisson anisée. Peut-on faire plus provençal ? La Cadière-d’Azur revêt de nombreux charmes, mais notre préférence va sans hésiter au vieil Évenos. Bâti sur un roc dont il épouse les contours, ce village de poche enchante avec ses ruelles où fleurit la valériane. Au pied du château médiéval en ruines, le chemin de ronde embaume le thym, le romarin et la sauge. Depuis les deux belvédères, la vue embrasse les vignes de Bandol et les gorges du Destel, le massif de la Sainte-Baume et le Bec de l’Aigle de La Ciotat, l’archipel des Embiez ainsi que la rade de Toulon. Tout cela baignant dans un calme olympien. Avec un si bel arrière-pays, pourquoi rejoindre la côte ?

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