Détours en France : Rêver et visiter, apprendre et voyager, se divertir et voir la France autrement

5 villages méconnus à découvrir dans le Var

La chapelle Notre Dame de Spéluque à Ampus dans le Var. © Bertrand Rieger / Détours en France

Publié le par Florence Donnarel

Vous vous demandez où aller dans l'arrière-pays varois ? Le Haut-Var ouvre sur de grands espaces sauvages moutonnés de pins et de chênes. Ici et là, quelques villages surgissent de cette nature foisonnante offrant au visiteur des haltes gourmandes ou culturelles. De Tourtour à Ampus, de Châteaudouble à Bargème, nous avons savouré cet arrière-pays à la fréquentation touristique confidentielle.

Le moulin de Tourtour

Tourtour, labellisé Les Plus Beaux Villages de France dans le Var.
© Bertrand Rieger / Détours en France

« Par temps clair, on voit jusqu’au Ventoux, au-delà de la Sainte-Baume et de la Sainte-Victoire », se réjouit Jean-Marc Simon sur le parvis du château de Tourtour face à un horizon ondulé de collines verdoyantes. Une mer de nuages vient lécher le hameau provençal perché sur une croupe à 635 mètres d’altitude, à 20 kilomètres au nord de Draguignan. Un site d’exception qui a inspiré l’artiste Bernard Buffet, installé dans un domaine du village pendant une quinzaine d’années. Deux de ses sculptures en bronze, le Lucane et le Flambé, ornent la place du château du XVIIe siècle qui abrite aujourd’hui la mairie. À l’est, une montée pavée s’échappe du village et mène, parmi les tilleuls, à une église romane dont la sobriété se fond à merveille dans un décor de champs et de forêts. Jean-Marc Simon est maître moulinier à Tourtour. Il se passionne pour le patrimoine et les paysages du terroir environnant, mosaïque de pâturages pour les moutons, de quelques terres maraîchères et de vergers d’oliviers. « Je produis de l’huile d’olive au moulin communal depuis trente ans. C’est un métier à l’ancienne dans un lieu authentique et vivant, où j’aime travailler au contact d’éléments naturels: les olives, bien sûr, mais aussi le bois et la pierre de l’outil ainsi que l’eau qui fait tourner la meule », confie le sexagénaire alors qu’il pousse la porte du moulin. Difficile de deviner l’existence du lieu, caché dans une ruelle du village en contrebas de la place des Ormeaux où les platanes ombragent quelques terrasses de cafés. « De novembre à février, à deux, nous triturons jusqu’à 60 tonnes de fruits. Nous fabriquons le nectar pour une centaine de clients environ. Certains nous apportent juste quelques kilogrammes », nous confie-t-il. Dans son antre où persiste toujours un parfum âcre, il réalise un travail très physique alors qu’il faut actionner le levier de 5 mètres de la presse à bras de ce qui est probablement l’un des derniers moulins traditionnels du Var. Avec sa forme en escargot, Tourtour a gardé la mémoire de ses enceintes du XIIe et XVe siècles. Dans les pas de Jean-Marc Simon, nous découvrons la ruelle du Contadou entre deux rangées de vieilles demeures en pierre. « Ce passage étroit, avec un coude de moins d’un mètre, permettait de compter et trier les moutons au départ des transhumances », précise l’amoureux du patrimoine. Atypique aussi, le lavoir du village situé près du château médiéval désormais privé : il est constitué d’étroits bassins en longueur construits à même un canal qui alimentait le village au XVIIIe siècle.

 

Ampus et Notre-Dame de Spéluque

Ampus et l'aqueduc du Claret dans le Haut-Var
© Bertrand Rieger / Détours en France

C’est un plateau calcaire aride, le plan de Canjuers, au sud des gorges du Verdon et au nord des villages de Tourtour, Ampus et Châteaudouble, qui a contribué à préserver l’aspect sauvage du Haut-Var. Depuis les années 1970, alors que le premier camp militaire d’Europe occupe une large bande de 35 000 hectares sur le plan de Canjuers, entre Bauduen à l’ouest et Mons à l’est, la nature reste souveraine sur un espace trois fois plus vaste que la ville de Paris. Un autre sanctuaire, au pied du plateau et à une dizaine de kilomètres à l’est de Tourtour, mérite un détour. La chapelle Notre-Dame de Spéluque, dissimulée dans un bosquet au milieu de champs cultivés, inspire le recueillement aux marcheurs qui empruntent la boucle pédestre de 8 kilomètres au départ d’Ampus ou au visiteur averti qui connaît son accès depuis la D49 entre le village et le lac de Sainte-Croix. « Au XIe siècle, après avoir repoussé les Sarrasins, les seigneurs locaux ont élevé une première chapelle pour remercier la Vierge. Agrandie au siècle suivant, elle devint un prieuré de l’abbaye de Lérins », éclaire la sœur dominicaine Marie du Saint-Esprit qui préside Les Amis de Notre-Dame de Spéluque, association propriétaire de la chapelle restaurée et d’un petit domaine agricole. Une chapelle dépouillée dont elle nous ouvre les portes. En face de l’entrée, une niche abrite une statue du Xe siècle de la Vierge Marie, probablement l’une des plus anciennes du Var. « Je suis heureuse d’être la gardienne de ce lieu spirituel, réservé à la prière, que nous ouvrons chaque dimanche et fête au public pour des messes célébrées dans la forme extraordinaire du rite romain », précise-t-elle. C’est avec l’aide et la pugnacité du curé d’Ampus que Notre-Dame de Spéluque a été rénovée. Dans les années 1960, ce bâtisseur hors norme crée un chemin de croix dans son village, quelques kilomètres plus au sud. Hameau médiéval bâti sur une butte et couronné par un bosquet de chênes et de cèdres, Ampus cultive sa différence. Au sommet du village, à l’emplacement du château médiéval disparu, Adonis Volpato fit réaliser 14 stations en céramique de style contemporain parmi les arbres. L’auteur ? Geoff Hindry, un artiste et aviateur anglais qui avait participé au débarquement en Provence. Il faut découvrir ce belvédère original ouvrant sur les horizons du Haut-Var avant de déambuler dans le village resté authentique. Certaines maisons ont conservé, au pied de leurs façades, la trace d’anciennes loges à cochon reconnaissables à leurs petites ouvertures, voisinant parfois avec des auges taillées dans la pierre. Ampus peut aussi s’enorgueillir d’un « chemin de l’eau » alors qu’un aqueduc vieux de trois siècles continue d’acheminer le précieux liquide vers un lavoir sur les hauteurs du village, en surplomb de la rue des Lauves. Tout près, on peut également contempler la meule d’un « tournaou », un engin d’aiguisage pour les outils domestiques et agricoles qui fonctionnait avec la force de l’eau.

 

La douceur de vivre de Châteaudouble

L'ancienne place de la Mairie dans le village de Châteaudouble
© Bertrand Rieger / Détours en France

C’est en empruntant une très belle route de campagne, la D51 qui sinue à travers une épaisse pinède, que nous accédons à Châteaudouble à 8 kilomètres à l’est d’Ampus. Changement de décor sur ce plateau qui domine, depuis ses falaises de près de 150 mètres de hauteur, les gorges de la Nartuby. Un large panorama ouvre sur des houles forestières où affleure de temps en temps la roche. Au XIe siècle, un hameau était installé sur ce site difficile d’accès protégé par deux châteaux aujourd’hui disparus qui donnèrent le nom au village. Seule demeure une petite tour de guet à bossage au parfum mélancolique. Elle veille aujourd’hui sur une petite mer de tuiles couleur de miel alors que le village s’est établi au XVe siècle à l’aplomb de la falaise pour prendre ses aises. Autre vision émouvante, l'ancien sentier des muletiers en chicane continue de gravir la pente pour pénétrer dans le village à l’est, par un passage voûté où le temps semble s’être soudain arrêté. Les rues piétonnes en calade avec des chaises et des tables disposées devant les maisons et la présence d’un « cercle », un lieu de sociabilité typique de la Provence, ici ouvert à tous, instillent l’idée d’une douceur de vivre à Châteaudouble. Une fin d’après-midi d’été, on pourra s’attabler dans la clameur des voix et des rires au Cercle Saint-Martin pour toucher un peu plus à l’âme d’un village provençal du Haut-Var...

 

Comps-sur-Artuby, le village perché

Comps-sur-Artuby et les chapelles Saint-Jean-Baptiste et Saint André dans le Var.
© Bertrand Rieger / Détours en France

Le sentiment d’élévation parmi les monts sauvages du Haut-Var se renforce alors que les lacets de la route D955 en direction du nord nous rapprochent du sommet du département, la montagne de Lachens culminant à 1 714 mètres. Des crêtes calcaires commencent à strier l’horizon. Quelques camions transportent des brebis en transhumance dans un concert de bêlements. La route traverse le camp de Canjuers et vient flirter en hauteur avec les eaux émeraude de l’Artuby, un affluent du Verdon. À 900 mètres d’altitude, le village de Comps-sur-Artuby marque une frontière invisible, ouvrant sur de hauts plateaux et un espace montagnard. Dans les Préalpes, à la croisée des chemins entre la montagne et le littoral, le village coupé en deux par la route est hérissé de chapelles templières. « Comps-sur-Artuby était un village prospère grâce à sa position stratégique. Il a aussi donné deux grands maîtres à l’ordre des Hospitaliers », précise Paul Amoros, ancien meunier du village voisin de Trigance passionné par les légendes locales. « La présence des Templiers dans le Var a nourri de nombreuses croyances. On a même vu un Belge établir son camp de base à Comps-sur-Artuby pendant vingt-cinq ans à la recherche du trésor des Templiers. Le seul trésor qui existe ici, c’est la beauté, le silence et la qualité de vie », affirme celui qui a consacré un livre aux mystères de la région.

 

Bargème, plus haut village du Var

Bargème dominé par le chateau Sabran de Ponteves et la Montagne de Brouis, dans le Var.
© Bertrand Rieger / Détours en France

La route poursuit sa course vers le nord. Derrière les colonnes cuivrées des pins sylvestres, le village de Bargème apparaît sur un ressaut, fière sentinelle de pierre veillée par la montagne de Brouis. L’imposant château fortifié de Pontevès, les maisons en pierre blonde, les ruelles truffées de roses trémières et la beauté rugueuse des paysages séduisent les visiteurs et les artistes. La sculptrice Elsa Leroy s’est installée dans le plus haut village du Var en 2006. « J’ai été attirée par les espaces naturels préservés, à la minéralité marquée, ainsi que par le côté belvédère du village. Un lieu qui inspire la réflexion, la méditation, où l’on se sent isolé mais qui reste à moins d’une heure de Draguignan », confie-t-elle dans son atelier à l’entrée du village. Le thème végétal et le graphisme de ses créations résonnent avec l’écrin naturel brut et épuré du village perché à près de 1 100 mètres. La flânerie dans les ruelles empierrées de Bargème mène irrésistiblement au château. Sa monumentale carcasse de pierre, ses quatre tours et ses murailles hautes de 18 mètres font illusion de loin. Les cistes ont envahi le site, mais il n’est pas difficile d’imaginer la terreur qu’il a pu nourrir avant sa destruction. Son histoire est sanglante. À la fin du XVIe siècle, les habitants de Bargème exécutèrent leur seigneur, Jean-Baptiste de Pontevès, et ses descendants, pour se venger des spoliations et des attaques mortelles qu’il leur faisait subir. Un esprit de résilience souffle encore dans les ruelles de ce village qui défie le temps sur les sommets du Var.

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