Plage paradisiaque

« L’archipel de Lilia protège l’entrée de l’aber du vent. On peut ainsi naviguer tous les jours et caboter d’une île paradisiaque à l'autre » précise Franck Daouben, originaire de Portsall, quelques kilomètres au sud-ouest, sur la côte. Le sable blanc, la clarté de l’eau et un je-ne-sais-quoi de bout du monde ont convaincu l’ancien plongeur et bosco de la Marine nationale, qui a sillonné les mers du globe, d’ouvrir son club d’apnée à l’Aber-Wrac’h il y a deux ans. Cheveux au vent, en cette belle matinée de juin, nous filons à bord de son semi-rigide vers l’île Cézon, à l’entrée ouest de l’estuaire. Face aux plages étincelantes de la presqu’île Sainte-Marguerite les propos de l’apnéiste prennent tout leur sens. « À la fin du XVIIe siècle, dans son projet de défense du port-arsenal de Brest, Vauban a identifié l’Aber-Wrac’h et ses eaux profondes comme un lieu de mouillage à protéger. C’était aussi un possible site de débarquement de navires ennemis souhaitant prendre Brest à revers, par la terre. La construction d’un fort sur l’île Cézon s’est donc imposée », nous explique Paul Madec alors que nous cheminons au milieu des herbes hautes vers l'ancienne caserne de l'île. Et le secrétaire de l’association Cézon, qui œuvre à la restauration et l’animation du site avec des chantiers bénévoles et des expositions, d’insister : « L’emplacement était si stratégique qu’il a été fortifié sous le second Empire, puis par les Allemands durant la Seconde Guerre mondiale. » Sur cette île longtemps privée, propriété du Conservatoire du littoral depuis 2021, la pièce maîtresse est une tour d’artillerie. Connue des marins, elle annonce l’entrée de l’Aber-Wrac’h avec son amer si particulier, rond blanc sur fond noir.

Algues en eau turquoise
De retour sur l’eau, on sent palpiter la vie maritime. Optimistes bleu et orange d’une école de voile, monocoques en partance pour le large et bateaux de pêcheurs auréolés de nuées d’oiseaux en maraude se croisent dans l’embouchure. Près des îles de la Croix, Franck s’approche d’un navire affairé à extraire des cages du fond de l’eau. « Chacune peut contenir près de 2 400 ormeaux adultes. Ils sont élevés en pleine mer. On les retire de l’eau le temps de les nourrir avec des algues, vertes pour les plus jeunes, brunes ou rouges pour les autres. Ils seront matures à l’âge de 4 ou 5 ans, avec une chair au goût de sous-bois », expliquent entre deux manipulations Xavier Lesage et Gaël Douzet, de l’entreprise France Haliotis, installée rive droite. Dans les cages, les coquilles ovales zébrées se meuvent lentement. Inféodés à des eaux à 18°C, ces gastéropodes sont menacés par le réchauffement climatique et désormais protégés à l’état sauvage. Notre périple se poursuit sur l’île Wrac’h plus au nord, reconnaissable à son phare coiffé de rouge. « L’ancienne maison du gardien accueille une résidence d’artistes », nous indique Frank alors que l’on débarque sur ce ruban de sable, de granit et de fougères, large de 4 hectares et accessible à pied à marée basse. Visible au loin, le phare de l’île Vierge les inspire-t-il ?
Lieu de réinsertion

L’Aber-Wrac’h est aussi le port d’attache des Amis de jeudi dimanche (AJD), association créée par le père Jaouen en 1951 pour élargir l’horizon de jeunes sortant de prison. Franck Daouben tourne le dos aux îles pour pénétrer dans l’aber. Sur la rive gauche, dans un appendice, se cache le chantier naval de l’AJD. Dépassant de la végétation, les trois mâts du Bel Espoir II signalent le lieu. « L’idée, c’est que le bateau serve à remettre d’aplomb », explique Ziton Loiselet qui pilote les Ateliers de l’enfer, site de formation professionnelle installé ici depuis 1998. « Le chantier naval est devenu un lieu d’insertion, aussi important pour aider les jeunes en errance que la navigation à bord de nos bateaux par laquelle tout a commencé », se réjouit-il alors que nous traversons l’atelier où travaillent des apprentis menuisiers. Près de sept personnes travaillent ici en permanence. À quai, après trois années de rénovation, s’est achevé l’aménagement intérieur du Bel Espoir Il, qui porte loin cette vision de la mer comme outil de réinsertion né dans l’Aber-Wrac’h.

Stagadon, le gîte des amis de jeudi dimanche
À bord du Bel Espoir et du Rara Avis, ses goélettes à trois mâts, l’association a la mixité pour principe en accueillant à la fois jeunes en difficulté, familles, retraités... C’est ce qu’elle fait également dans son gîte d’une capacité de 25 couchages situé sur l’île Stagadon, dont la plage de sable blanc en forme de croissant capte tous les regards à l’entrée de l’Aber-Wrac’h.