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Ces gorges vont vous faire voyager

Le pont de Saint-Mesmin qui enjambe la rivière l'Auvézère, départ de randonnée et entrée des gorges. Le pont de Saint-Mesmin qui enjambe la rivière l'Auvézère. - © Philippe Roy / Détours en France

Publié le par Philippe Bourget

Affluent de l’Isle venu du limousin, cette rivière se glisse dans un profond corridor près de Saint-Mesmin, à une heure de route au nord-est de Périgueux. Dévoilant une nature virginale et un étonnant petit patrimoine industriel, cette longue boucle pédestre en creux et en bosses « raconte » le Périgord vert, un territoire forestier resté sauvage. 

Le départ de la randonnée et l’entrée des gorges sont sous le pont de Saint-Mesmin qui enjambe la rivière l’Auvézère, sous-affluent de la Dordogne.
Le départ de la randonnée et l’entrée des gorges sont sous le pont de Saint-Mesmin qui enjambe la rivière l’Auvézère, sous-affluent de la Dordogne. © Philippe Roy / Détours en France

Nous avons espéré, en vain. Voir des mouflons... À ceux qui croient l'auteur de ces lignes atteint de dissociation géographique, nous confirmons : les gorges de l'Auvézère abritent bel et bien une colonie de mouflons méditerranéens, réintroduits dans les années 1960 et qui s’accommodent parfaitement des versants et des falaises abruptes dressées au-dessus de l’Auvézère. Une centaine d’entre eux s’y épanouit en liberté. Pour les observer, il faudra s’armer de patience et accepter un réveil très matinal...

Surfer sur les crêtes collinaires...

Au départ de Saint-Mesmin, 40 kilomètres de sentiers de randonnée pédestre sont balisés, des ponts et passerelles sont installés.
Au départ de Saint-Mesmin, 40 kilomètres de sentiers de randonnée pédestre sont balisés, des ponts et passerelles sont installés. © Philippe Roy / Détours en France

La présence de l’espèce n’est pas la moindre surprise de cette plongée dans les entrailles de la rivière, sinuant dans ce Périgord vert coiffé de prairies et de forêts. Saint-Mesmin est le point de départ de la boucle pédestre, d’une durée d’environ 7 heures. Sans être physiquement engagée, elle met à l’épreuve muscles et articulations. Depuis l’église à clocher-mur du village, la première partie de l’itinéraire, nommée « boucle de Gabourat », surfe sur les crêtes collinaires, fortement boisées et piquées de prairies à vaches de race limousine. Au « Verger de l’Avenir », peu après le bourg, un ponton en bois aménagé, avec panneaux d’information sur le paysage et la faune, délivre une vue idéale sur ce décor.

Des vaches en pâture sur le plateau de l’Auvézère : en Dordogne, l’élevage bovin compte plus de 50 000 vaches limousines.
Des vaches en pâture sur le plateau de l’Auvézère. © Philippe Roy / Détours en France
En Dordogne, l’élevage bovin compte plus de 50 000 vaches limousines. © Philippe Roy / Détours en France

... Et plonger dans la fraîcheur du canyon

 Les gorges de l'Auvézère, entre sous-bois de châtaigniers, de chênes et de charmes.
Les gorges de l'Auvézère, entre sous-bois de châtaigniers, de chênes et de charmes. © Philippe Roy / Détours en France

À travers les sous-bois de châtaigniers, de chênes et de charmes, la descente dans les gorges est rapide. Le bruit de l’eau annonce l’Auvézère. La voici soudain, cachée sous la végétation. Fraîcheur, humidité, sérénité... Nous avons beau être fin juin, le secteur est complètement désert. Par une passerelle, nous traversons la rivière et grimpons le raide versant opposé. Il mène au hameau de Charoncle, où un papy à béret et à fière moustache arpente son petit champ maraîcher, attentif aux jeunes pousses. Le sentier ne tarde pas à replonger entre les flancs de l’Auvézère. Ici, la roche est cristalline. On s’en assure en observant attentivement les maisons : si toutes ont des toits de tuiles à la façon méridionale, leur pierre est de schiste, typique de l’architecture périgourdo-limousine. À nouveau le bruit de l’eau... et le chant des oiseaux ! Ils sont nombreux dans les parages. Côté rapaces, on pourra apercevoir dans le ciel l’épervier et le faucon pèlerin. Ce dernier, nichant généralement dans les falaises, a retrouvé ici un peu de vigueur depuis la fin des années 1990, après que l’excès d’usage de pesticides agricoles a menacé l’espèce. Les pics des forêts font parfois entendre le claquement de leur bec sur les troncs d’arbre, les geais s’élancent de branche en branche mais c’est surtout le cincle plongeur qui incarne le mieux la vie ailée de l’Auvézère. Ce petit oiseau au poitrail blanc, vivant près des cours d’eau peu profonds, aime se poser sur les pierres découvertes du lit. Il a la particularité de savoir nager sous l’eau à l’aide de ses ailes et même de marcher et de pêcher en immersion ! Peut-être croise-t-il parfois la loutre d’Europe, de retour dans la vallée de l’Auvézère mais dont l’observation, pour cause de discrétion légendaire, reste très difficile.

Circuit perché pour rejoindre la cascade du Saut Ruban

L'arrivée au Saut Ruban est marquée par un "pont de singe", passerelle en fer suspendue au-dessus de l'Auvézère.
L'arrivée au Saut Ruban est marquée par un "pont de singe", passerelle en fer suspendue au-dessus de l'Auvézère. © Philippe Roy / Détours en France

Après le pont de Charoncle, le sentier remonte le long de la rive gauche de l’Auvézère et fait sa trace dans un environnement rocheux. Des bois morts couverts de mousse – très photogéniques – annoncent en réalité un fléau écologique : l’attaque de la pyrale du buis, un papillon prédateur... La balade se poursuit en suivant maintenant les indications « Boucle du Saut Ruban ». Elles mènent à un « pont de singe », passerelle en fer suspendue au-dessus de l’Auvézère. C’est ici, à l’aube, que l’on a des chances d’apercevoir des mouflons, dans les versants encaissés. Toujours rive gauche, il ne faut que quelques minutes pour rejoindre le coin le plus sauvage des gorges : la cascade du Saut Ruban. Vive et sautillante, l’Auvézère y joue à saute-rochers, dans une ambiance moite à connotation tropicale.

L'Auvézère, une ambiance moite à connotation parfois tropicale.
L'Auvézère, une ambiance moite à connotation parfois tropicale. © Philippe Roy / Détours en France

Savignac-Lédrier, forge de gorges

La forge de Savignac-Lédrier est l’un des témoins de cette industrie locale. Attestée dès 1521, elle est l’une des dernières de France à avoir travaillé avec du charbon de bois, jusqu’en 1930. De juin à septembre (sur rendez-vous en dehors, voir Carnet d’adresses), le site dévoile son haut-fourneau dans lequel était versé le fer pour le transformer en gueuses,des lingots de fonte expédiés ensuite dans une manufacture en Charente afin de fabriquer des canons. Un bâtiment abrite une exposition relatant la vie du site au pic de l’activité, entre 1870 et 1918. Une vingtaine de personnes y travaillait, ouvriers l’hiver, paysans l’été.

La seconde vie des maisons rustiques

En rejoignant le hameau de Veaupeytourie à la découverte du patrimoine industriel de la région : l’ancienne fonderie de Savignac-Lédrier surplombée par le château de la Forge, transformé en demeure à la Renaissance.
En rejoignant le hameau de Veaupeytourie à la découverte du patrimoine industriel de la région : l’ancienne fonderie de Savignac-Lédrier surplombée par le château de la Forge, transformé en demeure à la Renaissance. © Philippe Roy / Détours en France

Une autre passerelle suspendue traverse le cours d’eau et enjoint à quitter les gorges pour remonter sèchement sur le plateau, rebord où l’on débouche à travers un tapis de bruyère. Le chemin épouse alors un joli « creux » entre deux haies d’arbres avant de rejoindre le hameau de Veaupeytourie. Coup de cœur pour cet « écart » isolé, où trônent une poignée de belles maisons rustiques retapées en résidences secondaires – un bonheur de refuge périgourdin. Un chemin de liaison (balisage vert) redescend ensuite sur moins d’un kilomètre à la forge de Savignac-Lédrier, où l’arrêt s’impose. La présence de cette forge rappelle que le Périgord fut longtemps un fournisseur de fonte pour le pays. Tout était réuni ici pour la produire : le fer des mines voisines de Haute- fort ; l’eau de la rivière ; les forêts alentour pour le bois de chauffe des hauts-fourneaux. Sur ces considérations, un coup d’œil à la montre nous indique qu’il est 13 heures. Moment parfait pour la pause pique-nique, au bord de l’Auvézère !

Moulin et château de Savignac

le haut-fourneau de la forge, classé au titre des monuments historiques en 1979.
Le haut-fourneau de la forge, classé au titre des monuments historiques en 1979. © Philippe Roy / Détours en France

La suite sera plus campagnarde que « gorges profondes ». Après le franchissement d’une dernière passerelle sur l’Auvézère et un petit cheminement vers l’aval, l’itinéraire quitte définitivement les rives du cours d’eau pour remonter vers le village de Savignac-Lédrier. Un aperçu de l’architecture du moulin de Savignac en contrebas et de celle du château Renaissance éponyme, acquis au début du XIXe siècle par les maîtres de forges de Savignac, et la balade (balisage vert) se poursuit à travers des champs de blé et des prairies dévolues à l’élevage bovin. Des hameaux (Veau le Coteau, Le Tuquet...) protégés par des chiens hargneux livrent ici et là de vieilles masures paysannes dans leur jus. Quelques étangs résiduels signalent des stockages d’eau pour abreuver les bêtes. Un passage forestier dévoile des traces de champignons – le Périgord en est grand producteur. C’est ainsi que l’on revient mine de rien vers Saint-Mesmin, bourg central de cette randonnée en boucle. Si l’église est ouverte, on en profitera pour découvrir son beau retable du XVIIe siècle. Avant de poser le sac et de retrouver la « civilisation », loin de ce Périgord vert demeuré intègre et fier de l’être.

 La cantine, entièrement restaurée, vue depuis le haut-fourneau.
La cantine, entièrement restaurée, vue depuis le haut-fourneau. © Philippe Roy / Détours en France
Sources

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