Le contraire d’une arrogante. Tandis que la Vézère joue les fiers-à-bras avec sa bordée de sites préhistoriques, la Dronne coule sans tapage à l’ouest du département. Dans ce Périgord vert aux accents déjà charentais – la pierre blanche des bâtisses, les petites églises romanes... –, voilà donc la Dronne. Une rivière dévalant de la Haute-Vienne qui, après un parcours de 200 kilomètres, vient se jeter dans l’Isle, elle-même affluent de la Dordogne.
Visite du marché de Ribérac au chapelet de chapelles romanes

Discret, c’est aussi le qualificatif qui définit Ribérac. Petite cité endormie, les demeures bourgeoises de calcaire blanc de ce bourg de 4 000 habitants ne semblent réellement vibrer que le vendredi, jour de marché. Alors Ribérac s’ébroue et attire du monde, autour des étals de produits locaux déployés sur les places du centre-ville.

On ira voir aussi la collégiale Notre-Dame de Ribérac, ancienne chapelle (XIIe siècle) d’un château disparu, entièrement restaurée et devenue lieu d’exposition. Remonter la Dronne, c’est suivre le cours des chapelles romanes. La première, à Faye, est peut-être la plus belle. Sous un clocher carré d’allure fortifié, elle abrite un splendide tympan où est représenté un Christ en majesté, encadré par deux anges. Épeluche, Allemans, Villetoureix... ces bourgs anonymes séparés par des terres vallonnées à polyculture (maïs, tournesol, blé...) cachent tous un édifice religieux d’obédience romane. À nef unique, surmonté de deux coupoles, celui d’Allemans vaut le détour, avec un beau chevet en prime.
Jusqu’à cent moulins au XIXe siècle

Saint-Méard-de-Dronne a plus d’un tour dans son sac. Si l’architecture romane de l’église est classique, ce n’est pas le cas de ses fresques. Murs et voûtes sont recouverts de peintures du XVe siècle, mises au jour sous un badigeon de chaux. Dans le chœur, les scènes du Paradis et de l’Enfer, véritables œuvres d’art sont... diablement expressives. Parlons aussi du blé dans cette commune qui abrite le Moulin de la Pauze. Cette minoterie, exceptionnelle par sa longévité, témoigne de la seconde activité majeure de la vallée: la fabrication de farine. L’histoire raconte que les bords de la Dronne auraient accueilli jusqu’à cent moulins au XIXe siècle, un tous les 2 kilomètres. À Montagrier, l’ancien moulin du XIIe siècle, avec son étonnante forme de bateau, a été aménagé en « Maison de la Dronne ». Actif jusqu’au début du XXe siècle, il accueille de nos jours le public autour de la thématique de l’eau. On y apprend que la Dronne, rivière propre, abrite une riche ripisylve d’aulnes, de frênes, de saules et de chênes parfois centenaires. Cet écosystème est favorable à la vie animale, depuis les libellules jusqu’aux hérons, en passant par les chauves-souris, les hirondelles, les martins-pêcheurs et les pics. Une zone Natura 2000 protège d’ailleurs ces rives. Elle s’étend de Brantôme jusqu’à la confluence avec l’Isle, à Coutras, en Gironde.

Vers des trésors romans, paysages champêtres et château double...

Un écart vers les bourgs de Montagrier et Grand-Brassac fait replonger la balade dans la dialectique romane. Montagrier, aux toits de tuiles, abrite la jolie chapelle Saint-Sicaire et, à l’écart, l’église Sainte-Madeleine (XIIe siècle). De cette époque subsistent son chœur en plan de trèfle, son transept et quelques chapiteaux. Sa position en terrasse ouvre surtout une vue typique sur la Dronne : les vallons boisés et agricoles dégringolent vers le corridor vert de la rivière, serpentant secrètement au fond du thalweg. Un peu plus loin, Grand-Bras- sac impose sa massive église romane fortifiée surmontée d’un gros clocher carré et d’un second, plus étroit. L’allure de forteresse sévère est adoucie par le portail nord, typiquement roman avec ses personnages bibliques coiffant une Adoration des mages. Passé Lisle, petite bastide du XIVe siècle à halle de pierre, la Dronne offre ses meilleures compositions champêtres. Arrêt à l’ancien moulin de Rochereuil, une meunerie abandonnée posée dans la verdure, sous des falaises calcaires prisées par les grimpeurs. À Crayssac, microvillage assoupi sous le grand clocher ajouré de son église, on se posera sur la rive droite de la rivière, au Gué de l’Éperon, pour profiter de la fraîcheur de l’eau et d’une agréable guinguette de saison, Le Cabanon. Peu avant Brantôme, les amoureux d’itinéraires secrets apprécieront la route d’Amenot. Depuis le village de Valeuil, elle remonte la Dronne rive gauche dans un décor bucolique de prairies, de bois et de champs labourés, avant de traverser le cours d’eau par l’étroit pont du Minotier. Dominant la rivière, un pont à sept arches et un moulin vous amènent à Bourdeilles tassé sur une falaise autour de son château... ou plutôt de ses châteaux. Fait unique en Périgord, une forteresse médiévale côtoie ici une bâtisse Renaissance. La première date du XIIIe siècle et présente les attributs classiques du château moyenâgeux, avec corps de logis et gros donjon. Le second a été bâti au XVIe siècle mais... jamais achevé. Engagés en vue de la visite annoncée de Catherine de Médicis, les travaux de ce logis furent abandonnés quand il fut avéré que la régente ne viendrait pas. La demeure abrite de nos jours une très riche collection de meubles anciens.

Lot de cavernes au fil de l'eau...

Dernière étape de l’itinéraire, Brantôme. Cette ville de Dordogne mérite une halte prolongée. La Dronne s’y sépare en effet en deux bras, enserrant une cité affublée de l’inévitable surnom de « Venise en Périgord ». On se baladera dans les ruelles du bourg, jalonnées de belles demeures (maison dite des Marchands vénitiens ; château de la Hierce ; maison des Dames de la foi...), d’une ou deux passerelles sur la Dronne et d’un charmant « pont coudé », dominant la terrasse-jardin de l’hôtel du Moulin de l’Abbaye.

On visitera surtout l’abbaye, unique. Dès la fin du VIIIe siècle, des moines y occupent les grottes d’une falaise. Elles conservent de nos jours leur aspect troglodytique. De part et d’autre d’une fontaine supposée promettre la fécondité, le lavoir des moines, le moulin abbatial (vestiges), le pigeonnier et la grotte du Jugement dernier, décorée d’une crucifixion et d’une sculpture macabre, rappellent la vocation spirituelle de ces cavernes.


L’ensemble est précédé d’un vaste bâtiment monastique du XVIIIe siècle et du haut clocher en pierre de l’église abbatiale, l’un des plus anciens du Périgord (XIe siècle). Le tout se reflète dans la Dronne qui trouve là l’occasion de sortir, pour une fois, de sa précieuse et agréable discrétion.