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Cette vallée secrète de Dordogne va vous subjuguer

La Drone, vallée secrète et romantique du Périgord La Drone, vallée secrète et romantique du Périgord. - © Philippe Roy / Détours en France

Publié le par Philippe Bourget

Dans son parcours périgourdin, cette rivière née en Haute-Vienne irrigue une campagne verdoyante jalonnée de petits bourgs discrets. Longée à rebours de Ribérac à Brantôme, elle égrène un petit patrimoine rural constitué d’églises romanes et de vestiges de moulins. Une « anti-Vézère » à l’itinérance reposante.

Le contraire d’une arrogante. Tandis que la Vézère joue les fiers-à-bras avec sa bordée de sites préhistoriques, la Dronne coule sans tapage à l’ouest du département. Dans ce Périgord vert aux accents déjà charentais – la pierre blanche des bâtisses, les petites églises romanes... –, voilà donc la Dronne. Une rivière dévalant de la Haute-Vienne qui, après un parcours de 200 kilomètres, vient se jeter dans l’Isle, elle-même affluent de la Dordogne.

Visite du marché de Ribérac au chapelet de chapelles romanes

Marché de Ribérac, en plein air, avec étals de légumes frais et clients.
Marché de Ribérac, en plein air, avec étals de légumes frais et clients. © Philippe Roy / Détours en France

Discret, c’est aussi le qualificatif qui définit Ribérac. Petite cité endormie, les demeures bourgeoises de calcaire blanc de ce bourg de 4 000 habitants ne semblent réellement vibrer que le vendredi, jour de marché. Alors Ribérac s’ébroue et attire du monde, autour des étals de produits locaux déployés sur les places du centre-ville.

Rendez-vous incontournable du vendredi matin, alors que le marché traditionnel et ses 150 exposants s’installent à Ribérac, les rues piétonnes et les terrasses de café s’animent.
Rendez-vous incontournable du vendredi matin, alors que le marché traditionnel et ses 150 exposants s’installent à Ribérac, les rues piétonnes et les terrasses de café s’animent. © Philippe Roy / Détours en France

On ira voir aussi la collégiale Notre-Dame de Ribérac, ancienne chapelle (XIIe siècle) d’un château disparu, entièrement restaurée et devenue lieu d’exposition. Remonter la Dronne, c’est suivre le cours des chapelles romanes. La première, à Faye, est peut-être la plus belle. Sous un clocher carré d’allure fortifié, elle abrite un splendide tympan où est représenté un Christ en majesté, encadré par deux anges. Épeluche, Allemans, Villetoureix... ces bourgs anonymes séparés par des terres vallonnées à polyculture (maïs, tournesol, blé...) cachent tous un édifice religieux d’obédience romane. À nef unique, surmonté de deux coupoles, celui d’Allemans vaut le détour, avec un beau chevet en prime.

Jusqu’à cent moulins au XIXe siècle

Christ en majesté, une des nombreuses fresques murales mises au jour dans l’église de Saint-Médard du XIIe siècle, située à Saint-Méard.
Christ en majesté, une des nombreuses fresques murales mises au jour dans l’église de Saint-Méard du XIIe siècle, située à Saint-Méard. © Philippe Roy / Détours en France

Saint-Méard-de-Dronne a plus d’un tour dans son sac. Si l’architecture romane de l’église est classique, ce n’est pas le cas de ses fresques. Murs et voûtes sont recouverts de peintures du XVe siècle, mises au jour sous un badigeon de chaux. Dans le chœur, les scènes du Paradis et de l’Enfer, véritables œuvres d’art sont... diablement expressives. Parlons aussi du blé dans cette commune qui abrite le Moulin de la Pauze. Cette minoterie, exceptionnelle par sa longévité, témoigne de la seconde activité majeure de la vallée: la fabrication de farine. L’histoire raconte que les bords de la Dronne auraient accueilli jusqu’à cent moulins au XIXe siècle, un tous les 2 kilomètres. À Montagrier, l’ancien moulin du XIIe siècle, avec son étonnante forme de bateau, a été aménagé en « Maison de la Dronne ». Actif jusqu’au début du XXe siècle, il accueille de nos jours le public autour de la thématique de l’eau. On y apprend que la Dronne, rivière propre, abrite une riche ripisylve d’aulnes, de frênes, de saules et de chênes parfois centenaires. Cet écosystème est favorable à la vie animale, depuis les libellules jusqu’aux hérons, en passant par les chauves-souris, les hirondelles, les martins-pêcheurs et les pics. Une zone Natura 2000 protège d’ailleurs ces rives. Elle s’étend de Brantôme jusqu’à la confluence avec l’Isle, à Coutras, en Gironde.

Ci-contre, la Maison de la Dronne, moulin blanc à mouture de céréales datant du 12e siècle.
Ci-contre, la Maison de la Dronne, moulin blanc à mouture de céréales datant du 12e siècle. © Philippe Roy / Détours en France

Vers des trésors romans, paysages champêtres et château double...

Le village du Grand- Brassac, dans son écrin de verdure vallonné, dominé par l’église romane Saint-Pierre-et- Saint-Paul, qui a été bâtie au XIIe siècle et fortifiée au XIIIe siècle, et classée au titre des monuments historiques sur la liste de 1885.
Le village du Grand- Brassac, dans son écrin de verdure vallonné, dominé par l’église romane Saint-Pierre-et- Saint-Paul, qui a été bâtie au XIIe siècle et fortifiée au XIIIe siècle, et classée au titre des monuments historiques sur la liste de 1885. © Philippe Roy / Détours en France

Un écart vers les bourgs de Montagrier et Grand-Brassac fait replonger la balade dans la dialectique romane. Montagrier, aux toits de tuiles, abrite la jolie chapelle Saint-Sicaire et, à l’écart, l’église Sainte-Madeleine (XIIe siècle). De cette époque subsistent son chœur en plan de trèfle, son transept et quelques chapiteaux. Sa position en terrasse ouvre surtout une vue typique sur la Dronne : les vallons boisés et agricoles dégringolent vers le corridor vert de la rivière, serpentant secrètement au fond du thalweg. Un peu plus loin, Grand-Bras- sac impose sa massive église romane fortifiée surmontée d’un gros clocher carré et d’un second, plus étroit. L’allure de forteresse sévère est adoucie par le portail nord, typiquement roman avec ses personnages bibliques coiffant une Adoration des mages. Passé Lisle, petite bastide du XIVe siècle à halle de pierre, la Dronne offre ses meilleures compositions champêtres. Arrêt à l’ancien moulin de Rochereuil, une meunerie abandonnée posée dans la verdure, sous des falaises calcaires prisées par les grimpeurs. À Crayssac, microvillage assoupi sous le grand clocher ajouré de son église, on se posera sur la rive droite de la rivière, au Gué de l’Éperon, pour profiter de la fraîcheur de l’eau et d’une agréable guinguette de saison, Le Cabanon. Peu avant Brantôme, les amoureux d’itinéraires secrets apprécieront la route d’Amenot. Depuis le village de Valeuil, elle remonte la Dronne rive gauche dans un décor bucolique de prairies, de bois et de champs labourés, avant de traverser le cours d’eau par l’étroit pont du Minotier. Dominant la rivière, un pont à sept arches et un moulin vous amènent à Bourdeilles tassé sur une falaise autour de son château... ou plutôt de ses châteaux. Fait unique en Périgord, une forteresse médiévale côtoie ici une bâtisse Renaissance. La première date du XIIIe siècle et présente les attributs classiques du château moyenâgeux, avec corps de logis et gros donjon. Le second a été bâti au XVIe siècle mais... jamais achevé. Engagés en vue de la visite annoncée de Catherine de Médicis, les travaux de ce logis furent abandonnés quand il fut avéré que la régente ne viendrait pas. La demeure abrite de nos jours une très riche collection de meubles anciens.

Dans le village de Bourdeilles, le châtelet d’entrée de la forteresse médiévale et du château Renaissance tous deux construits sur un éperon rocheux.
Dans le village de Bourdeilles, le châtelet d’entrée de la forteresse médiévale et du château Renaissance tous deux construits sur un éperon rocheux. © Philippe Roy / Détours en France

Lot de cavernes au fil de l'eau...

Sur la Dronne, à Brantôme, à bord d’un bateau électrique de tourisme, les passagers découvrent le patrimoine bâti remarquable de la « Venise du Périgord ». Sur le quai, les bâtiments conventuels du XVIIe siècle et l’église abbatiale (XIe-XIIIe siècles) coiffée par un clocher campanile roman, de l’ancienne abbaye bénédictine Saint-Pierre fondée au VIIIe siècle.
Sur la Dronne, à Brantôme, à bord d’un bateau électrique de tourisme, les passagers découvrent le patrimoine bâti remarquable de la « Venise du Périgord ». Sur le quai, les bâtiments conventuels du XVIIe siècle et l’église abbatiale (XIe-XIIIe siècles) coiffée par un clocher campanile roman, de l’ancienne abbaye bénédictine Saint-Pierre fondée au VIIIe siècle. © Philippe Roy / Détours en France

Dernière étape de l’itinéraire, Brantôme. Cette ville de Dordogne mérite une halte prolongée. La Dronne s’y sépare en effet en deux bras, enserrant une cité affublée de l’inévitable surnom de « Venise en Périgord ». On se baladera dans les ruelles du bourg, jalonnées de belles demeures (maison dite des Marchands vénitiens ; château de la Hierce ; maison des Dames de la foi...), d’une ou deux passerelles sur la Dronne et d’un charmant « pont coudé », dominant la terrasse-jardin de l’hôtel du Moulin de l’Abbaye.

Installé en lieu et place de l’ancien moulin, dans son cadre idyllique, Le Moulin de l’abbaye est un hôtel-restaurant au bord de la rivière, offrant une superbe vue sur Brantôme.
Installé en lieu et place de l’ancien moulin, dans son cadre idyllique, Le Moulin de l’abbaye est un hôtel-restaurant au bord de la rivière, offrant une superbe vue sur Brantôme. © Philippe Roy / Détours en France

On visitera surtout l’abbaye, unique. Dès la fin du VIIIe siècle, des moines y occupent les grottes d’une falaise. Elles conservent de nos jours leur aspect troglodytique. De part et d’autre d’une fontaine supposée promettre la fécondité, le lavoir des moines, le moulin abbatial (vestiges), le pigeonnier et la grotte du Jugement dernier, décorée d’une crucifixion et d’une sculpture macabre, rappellent la vocation spirituelle de ces cavernes.

Le cloître de l’abbaye Saint-Pierre de Brantôme et le clocher de l’église abbatiale. Ci-dessous : la grotte du Jugement dernier, vestige du premier monastère troglodytique bénédictin de Brantôme (VIIIe siècle) creusé dans la falaise calcaire, est ornée de deux bas-reliefs : Le Triomphe de la mort et La Crucifixion.
Le cloître de l’abbaye Saint-Pierre de Brantôme et le clocher de l’église abbatiale. © Philippe Roy / Détours en France
La grotte du Jugement dernier, vestige du premier monastère troglodytique bénédictin de Brantôme (VIIIe siècle) creusé dans la falaise calcaire, est ornée de deux bas-reliefs : Le Triomphe de la mort et La Crucifixion.
La grotte du Jugement dernier, vestige du premier monastère troglodytique bénédictin de Brantôme (VIIIe siècle) creusé dans la falaise calcaire, est ornée de deux bas-reliefs : Le Triomphe de la mort et La Crucifixion. © Philippe Roy / Détours en France

L’ensemble est précédé d’un vaste bâtiment monastique du XVIIIe siècle et du haut clocher en pierre de l’église abbatiale, l’un des plus anciens du Périgord (XIe siècle). Le tout se reflète dans la Dronne qui trouve là l’occasion de sortir, pour une fois, de sa précieuse et agréable discrétion.

Sources

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