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Dans un méandre du Doubs, les merveilles de Besançon

Vue aérienne de la citadelle surplombant Besançon de plus de 100 mètres, œuvre de Vauban construite sur le mont Saint-Étienne achevée en 1684, inscrite sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco en 2008. La citadelle est désormais un lieu touristique et culturel incontournable de la région et abrite trois musées. Vue aérienne de la citadelle surplombant Besançon de plus de 100 mètres, œuvre de Vauban construite sur le mont Saint-Étienne achevée en 1684, inscrite sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco en 2008. - © Gilles Lansard / Détours en France

Publié le par Philippe Bourget

Romaine, médiévale, prospère sous Charles Quint puis influente capitale régionale à partir du XVIIe siècle, la cité multiplie les signes extérieurs de richesse. Valorisé par des mutations urbaines, ce patrimoine mérite une halte touristique, dans un méandre du Doubs dominé par la célèbre citadelle Vauban.

Une boucle parfaite de rivière sous une colline. Il n’en fallait pas plus pour que ce site naturel niché au cœur d’un paysage verdoyant soit choisi pour fonder une ville. Passons ur les Séquanes, peuple gaulois, et la cité romaine (Vesontio), dont il reste comme vestige majeur la Porte noire, arc de triomphe du IIe siècle. Et projetons-nous dans la période qui court du Moyen Âge au XVIIIe siècle. Elle contient plusieurs âges d’or qui expliquent la richesse patrimoniale de la ville. Transformé en sites muséaux, institutionnels ou marchands, ce bâti revisité est le pivot de l’attractivité touristique de la ville.

Quartier Battant, cœur médiéval

Gilles Lansard / Détours en France
Sur la rive droite du Doubs, le quartier Battant, le plus ancien de la ville, a su se réinventer, tout en restant populaire, et se moderniser, notamment avec la mise en place du tramway en 2014. © Gilles Lansard / Détours en France

Le bateau sur le Doubs est le meilleur moyen de survoler ces époques. Depuis la halte fluviale du moulin Saint-Paul, cap vers l’aval aux commandes d’une petite embarcation électrique très maniable. Rive droite, voici le quartier Battant. Face à la Boucle, c’est le siège de la ville marchande médiévale. Développées grâce au pont sur le Doubs – le seul de Besançon jusqu’au XVIIsiècle –, ses rues étroites et courbes rappellent son origine moyenâgeuse. Le bâti en garde la trace, avec les tours bastionnées Montmart et de la Pelote ainsi que quelques caves voûtées. Face à Battant, changement de décor. Les 350 mètres de façades de bâtiments à arcades, le long du quai Vauban, sont typiques du XVIIe siècle. Ils ont été construits en pierre de Chailluz, un calcaire gris beige qui donne sa coloration à la ville. L’axe médiéval de la Grande-Rue, reliant le quartier Battant à la colline Saint-Jean, sous la future citadelle, voit ainsi sortir de terre une première vague d’hôtels particuliers. Comme le célèbre palais Granvelle, du nom de l’ambassadeur et garde des Sceaux de Charles Quint.

Édifices religieux, hôtels particuliers, maisons à pans de bois, vestiges d’arènes romaines... Battant dispose d’un très riche patrimoine bâti, et demeure l’un des quartiers les plus animés de Besançon.
Édifices religieux, hôtels particuliers, maisons à pans de bois, vestiges d’arènes romaines... Battant dispose d’un très riche patrimoine bâti, et demeure l’un des quartiers les plus animés de Besançon. © Gilles Lansard / Détours en France

Pour voir à quel point Vauban a modelé la ville, retour rive droite au cœur du quartier Battant. Sous la direction de l’ingénieur, ce faubourg populaire a également été fortifié, avec bastions, courtines et demi-lunes. Au sommet, fait méconnu, trône ainsi une autre citadelle, le fort Griffon, qui répond à la citadelle principale. Un édifice conçu à la fois pour tirer sur les ennemis venus de l’extérieur… mais aussi sur la ville en cas de rébellion des habitants. Jamais la place forte de Besançon ne fut conquise. Mais la sombre histoire de sa citadelle – elle fut tour à tour prison d’État, puis durant la Seconde Guerre mondiale, un lieu d’exécution de résistants – fit que les Bisontins lui tournèrent longtemps le dos. Après qu’elle a été rachetée à l’armée par la ville en 1959, les habitants, qui viennent volontiers en promenade ou pique-niquer sur ces glacis verdoyants, se sont aujourd’hui réconciliés avec ce réseau de fortifications.

La citadelle, merveille de Vauban

Ce monument d'exception érigé par Vauban veille sur la ville du haut de ses remparts à 100 m de hauteur.
Ce monument d'exception érigé par Vauban veille sur la ville du haut de ses remparts à 100 m de hauteur. © Gilles Lansard / Détours en France

Un siècle plus tard, en 1674, Besançon devient capitale régionale. Louis XIV décide de transférer le pouvoir franc-comtois de Dole à Besançon, et l’intendance doit suivre. Noblesse de robe, bourgeois, religieux et militaires font alors construire une flopée d’hôtels particuliers. Tous ces édifices embellissent l’hypercentre de leur architecture. Après le quai Vauban et le pont Battant, voici les tours des Cordeliers et de Chamars, prolongées par des remparts. Louis XIV ayant érigé Besançon en capitale, son architecte Vauban doit la fortifier. La preuve avec ces tours et la citadelle. Quoi de plus naturel que d’utiliser la colline sommitale de la boucle du Doubs pour y élever un bastion, qui fera de Besançon une forteresse imprenable ? Vauban s’y emploie et l’on voit depuis la rivière la manière implacable dont il corsète l’éperon rocheux, ceint de murailles en demi-lune pour protéger les casernements. Besançon est un exemple clé des constructions militaires de Vauban, qui a valu aux fortifications d’être inscrites en 2008 au patrimoine mondial de l’Unesco.

Une ville, des grands Hommes

Cinq célébrités ont laissé leur marque place Victor-Hugo, surnommée « la place des grands hommes » par les Bisontins. L’homme de lettres y est né, en 1802, au n° 140 de la Grande- Rue (ci-dessus : statue de Victor Hugo, de Ousmane Sow) ; les frères Lumière aussi (en 1862 et 1864), au n° 1 de la place. L’écrivain romantique Charles Nodier a vu le jour au n° 7, en 1780. Et Gustave Courbet a habité au n° 11. Ne pas oublier non plus que Besançon est la ville natale du philosophe Charles Fourier, du socialiste Pierre-Joseph Proudhon, du dramaturge Tristan Bernard et que Colette y passa ses étés entre 1900 et 1908.

La Cité des Arts, écrin design

Le bateau électrique ne grimpe pas au sommet de la colline. Qu’à cela ne tienne, on la traverse de façon insolite par un tunnel de 400 mètres, creusé au XIXe siècle pour couper la boucle du Doubs. À la sortie, nous tombons nez à nez avec La Rodia. Exemple d’architecture contemporaine, cette scène posée depuis 2011 au bord du Doubs est à l’origine du festival Détonation, consacré chaque mois de septembre aux musiques actuelles. Plus loin, l’ancien port fluvial de Besançon a connu en 2013 une profonde métamorphose. La Cité des Arts, dessinée par l’architecte japonais star Kengo Kuma, abrite dans un même écrin design le Fonds régional d’art contemporain (Frac) et le conservatoire du Grand Besançon Métropole.

Sans surprise, il faut maintenant découvrir à pied ce que l’on a vu en bateau. La balade confirme les premières impressions navales. Besançon regorge de trésors patrimoniaux dont beaucoup sont affectés à de nouvelles vocations. Rue Lecourbe, l’hôtel particulier de Clévans (1739), conseiller au parlement de Franche-Comté, est devenu la résidence du général commandant d’armes de Besançon (visites via l’office de tourisme). Rue Chifflet, l’hôtel de Courbouzon-Villefrancon (1735) abrite les locaux de l’université de Franche-Comté et ses 25 000 étudiants, piliers du dynamisme de la ville. Face au théâtre néoantique Ledoux (XVIIIe siècle), rue Mégevand, l’ancienne abbaye Saint-Vincent est occupée par des salles de cours de la faculté de lettres. Au cœur de la Boucle, le palais Granvelle, et sa cour intérieure à galeries, héberge le passionnant musée du Temps, consacré à l’horlogerie, spécialité bisontine. Rue Charles-Nodier, la préfecture du Doubs est logée dans l’hôtel de l’Intendance (1778), bâtisse classique qui fut le siège de la Généralité de Besançon.

Le palais de justice, ancien parlement

Le palais de justice du XVIe siècle, ancien parlement de Franche- Comté, rebâti au xviiie siècle, a conservé sa splendide façade Renaissance.
Le palais de justice du XVIe siècle, ancien parlement de Franche- Comté, rebâti au XVIIIe siècle, a conservé sa splendide façade Renaissance. © Gilles Lansard / Détours en France

On continue ? La tour médiévale de l’ancien hôpital du Saint-Esprit, rue Claude-Goudimel, accueille un temple protestant. Place de la Révolution – les Bisontins continuent de l’appeler « la place du marché », des réaménagements ont été faits. Le musée des Beaux-Arts et d’Archéologie s’est ainsi redéployé depuis 2018 dans l’ancien édifice néoclassique de la halle aux grains (XIXe siècle). À proximité, l’ancien grenier à blé municipal, qui date du XVIIIe siècle, abrite depuis 2023 Loiseau du Temps, le restaurant de Blanche Loiseau, fille du chef multi-étoilé Bernard Loiseau. Derrière l’hôtel de ville, le vaste bâtiment du palais de justice, avec sa façade du XVIe siècle, n’est rien de moins que l’ancien parlement de Franche-Comté, transféré ici en 1674. La superbe salle des audiences solennelles au décor tout en lambris y trône depuis 1749.

Un projet urbain d’envergure

l’hôpital Saint- Jacques, édifié de 1686 à 1703 selon un plan en U, dans le style classique. À dr. : la cathédrale Saint-Jean (ixe-xie siècles).
L’hôpital Saint- Jacques, édifié de 1686 à 1703 selon un plan en U, dans le style classique. © Gilles Lansard / Détours en France

Devant la Porte noire, à l’entrée du quartier Saint-Jean, l’hôtel de Grammont, édifié en 1705 pour faire office d’archevêché, est le siège du rectorat de l’académie de Besançon (10, rue de la Convention, on peut y jeter un œil si la porte est ouverte). Une des tours de la cathédrale Saint-Jean, sise rue du Chapitre, abrite une exceptionnelle horloge astronomique, confectionnée de 1858 à 1860 à Beauvais par le maître horloger Auguste-Lucien Vérité. Son mécanisme – l’ensemble est composé de 30 000 pièces – est une petite merveille. Ses 57 cadrans donnent l’heure de Besançon mais aussi de 16 points du globe, les horaires de marées de plusieurs ports, les phases de la Lune, le mouvement des planètes… Plus de cent cinquante ans après sa confection, ce chef-d’œuvre d’horlogerie, classé monument historique, fonctionne toujours et est remonté manuellement chaque jour. À heure fixe, sa vingtaine d’automates, sur des thèmes bibliques, entre en action.

Dans ce même quartier, rue Lecourbe, l’hôtel Best Western Citadelle occupe une ancienne bâtisse religieuse. Idem pour l’hôtel-restaurant Le Sauvage, une rue au-dessus, hébergé dans l’ancien couvent des Clarisses. La citadelle elle-même n’est pas épargnée par les évolutions. Pour témoin, la nouvelle version du musée de la Résistance et de la Déportation, livrée il y a un an à peine. Un dernier projet d’envergure témoigne de la poursuite des mutations urbaines. L’ancien hôpital Saint-Jacques (XVIIe siècle) et ses six hectares de bâtiments sont l’objet d’un vaste projet de réaménagement. Des logements, bureaux et une grande bibliothèque devraient être livrés à partir de 2027. L’intérêt touristique de Besançon grandit à mesure que le patrimoine se transforme.

Intérieur de la cathédrale Saint-Jean (IXe-XIe siècles). © Gilles Lansard / Détours en France
Sources

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