Originaire du Mexique, la vanille est une liane de la famille des orchidées. Rapportée en Europe par les Conquistadores, la plante survit mais est incapable de fructifier hors de son biotope originel, aucun insecte n’assurant sa pollinisation naturelle. Toutes les expériences scientifiques semblaient vouées à l’échec jusqu’à la découverte par un jeune esclave réunionnais d’un procédé de fécondation. L’aventure de la « vanille Bourbon » pouvait commencer...
C’est au début de la décennie 1840 qu’un tout jeune esclave noir natif de Sainte-Suzanne, Edmond Albius, fait une découverte qui va révolutionner les traditions culturales de l’île et bouleverser son économie. Initié par son maître à la connaissance de la botanique et à la pratique de l’horticulture, l’adolescent découvre un procédé de fécondation des fleurs de vanille : il suffit de mettre en contact les organes mâle et femelle de la fleur. L’opération, pour être simple, est délicate et donne vite de belles récoltes qui vont permettre une production de diffusion mondiale. La trouvaille d’Edmond, qui lui sera contestée par de doctes naturalistes blancs, ne fera passes beaux jours. Devenu un homme libre avec l’abolition de l’esclavage en 1848, il mourra dans la misère. Sa technique de fécondation a été transmise, reprise, mais n’a pas changé. Après avoir été fécondées, les fleurs donnent des gousses qui atteignent leur taille adulte au bout de six semaines. Mais il faut attendre presque neuf mois pour qu’elles arrivent à maturité et soient récoltées. D’ailleurs, La Réunion n’a pas seulement offert au monde le procédé de fécondation, elle a aussi apporté aux « vanillards » une méthode de préparation, le procédé « Loupy–de Floris », du nom des inventeurs.
« Vanille Bourbon », une appellation trompeuse (origine, prix...)

Pour bénéficier de l’appellation « vanille Bourbon », il faut impérativement que le procédéde fabrication soit respecté. La vanille, une épice produite par le fruit de certaines orchidées lianescentes tropicales, a conservé l’ancien nom de l’île. Celle-ci pousse sur les arbres des sous- bois de la forêt tropicale humide. La première fleur n’apparaît qu’au bout de trois ans. Il faut alors redescendre la laine de l’arbre afin de la féconder artificiellement et d’obtenir des gousses, une par fleur fécondée, neuf mois avant la cueillette. À leur récolte, les gousses sont vertes, dures et inodores. Bertrand Côme, ingénieur agronome, dirige La Vanilleraie, l’une des exploitations artisanales les plus exigeantes de l’île. Pour différencier les producteurs, il impose un poinçon sur les gousses. Celles-ci sont échaudées dans une eau chauffée à 65 °C pendant environ trois minutes, avant d’être égouttées, enveloppées dans des couvertures et déposées dans des coffres durant 24 heures, dans le but d’assurer le développement de meilleurs arômes. Séchées à l’air libre et au soleil une semaine sur des claies en bois, elles sont retournées deux fois par jour. Ensuite, elles finissent de sécher deux à trois mois sur des claies grillagées et à l’abri du soleil. Elles sont ensuite calibrées (mesurées et classées une par une en « fendue », « non fendue », plus la gousse est longue et noire, plus elle sera parfumée, mises en botte pour éviter le dessèchement, avant de reposer six mois dans des malles en bois à l’abri de la lumière. Une vanille séchée dans les règles de l’art perd de 40 à 50 % de son poids initial et produit 300 gousses au kilo. Malgré son appellation de « vanille Bourbon », cette dernière n’est pas exclusivement réservée à la seule production réunionnaise. Et c’estlà que le bât blesse. On trouve sur les marchés de l’île une vanille fraîche peu chère, le plus souvent en provenance de Madagascar (premier producteur de la planète avec plus de 2 000 tonnes/an), dont les gousses épaisses, grasses, collantes contiennent encore 60 % d’eau. Elles moisissent rapidement et produisent une molécule donnant un désagréable goût médicamenteux. En attente de l’obtention d’un label IGP (Indication géographique protégée), véritable arlésienne, qui protégerait la production réunionnaise des « contrefaçons », certains préparateurs installés sur la « côte-au-vent », à l’est de l’île, ont misé sur le haut de gamme et des recherches d’arômes très spécifiques.
La vanille bleue, les secrets d'une épice rare

Issue principalement de l’espèce Vanilla planifolia, la vanille bleue se démarque par sa large palette de subtilités aromatiques, son aspect visuel et son procédé de fabrication.
Celui-ci supprime les phases de l’échaudage et de la déshydratation afin d’éviter toute destruction des éléments vitaux de la gousse.Le savoir-faire d’affinage propre à l’Escale bleue (Jonathan Leichnig dirige l’unique atelier producteur réunionnais) permet ainsi l’évolution de ce produit organique, affiné pendant deux ans (séchage et préparation). Tandis que les odeurs émanant d’une vanille classique n’évoluent pas au fil du temps, voire se déprécie, la vanille bleue ne cesse de se bonifier avec les années, gagnant chaque jour en complexité et en puissance aromatique, à la manière d’un millésime viticole. Son autre particularité est qu’elle est entièrement comestible, enveloppey compris. Requérant un savoir-faire ancestral, une attention soutenue et beaucoup de main-d’œuvre, son prix s’en ressent : comptez 1000 euros le kilo. Les plus grands chefs pâtissiers en raffolent.
La vanille givrée réchauffe les papilles
Noire, brillante, piquetée de points blancs, on la croirait moisie, cette gousse de vanille. Mais quelle odeur suave et épicée ! Cet aspect « givré » provient de l’exsudation de la vanilline qui forme des cristaux recouvrant le fruit déshydraté. Cette transformation naturelle est rare et ce n’est que depuis quelques années que les cultivateurs réunionnais maîtrisent le procédé pour obtenir cette vanille d’exception. L’excellence de cette production se niche dans les hauts de Sainte-Rose, en pleine forêt indigène sur l’exploitation de Maryse Mounier-Poirier. Lorsqu’elle reprend cette terre de sept hectares, la forêt secondarisée est envahie par les lianes et les ronces, étouffant les plants de vanille survivants. Patiemment, la cultivatrice « libère » le sous-bois et réinstalle la précieuse épice. Maryse, l’une des rares à maîtriser la méthode de cristallisation, se spécialise alors dans la production de vanille « givrée », qui nécessite deux fois plus de travail qu’une vanille classique. De la sélection sur le pied à l’affinage, tout est contrôlé. Il faut un an pour que la gousse se couvre de filaments: plus la gousse est âgée, plus ses duvets d’huile essentielle se figent sous forme cristalline.