C’est au retour des guerres d’Italie, en 1539, que Péan de Brie, seigneur de Serrant, décide de reconstruire son château dans l’esprit de la Renaissance. Depuis, l’élégant édifice a toujours été une demeure privée. Conseillers d’État, ducs, armateurs s’y sont succédé et y ont laissé leurs souvenirs.
Hedwige de Merode, actuelle propriétaire

La propriétaire actuelle, la princesse Hedwige de Merode, tient à nous faire visiter sa bibliothèque, le joyau du lieu. « J’y vais rarement, car le meilleur moyen de préserver les livres, c’est de ne pas les lire, n’est-ce pas ? Je lis des livres de poche comme tout le monde », lance-t-elle non sans humour. Après une carrière aux Nations unies, la princesse a dédié son temps à l’entretien du château familial et de sa précieuse bibliothèque, héritage de son aïeul, le duc Louis-Charles de La Trémoille, président des Bibliophiles de France, qui avait constitué l’une des plus grandes collections privées du pays.

Après un double tour de clé, la lourde porte en bois s’ouvre sur une gigantesque salle lambrissée qui accueille des reliures d’or et de cuir usé par le temps. « Douze mille volumes du sol au plafond, annonce la princesse. Les plus anciens remontent au XVe siècle. » Une profusion impressionnante d’ouvrages rares habille les étagères en bois de chêne, dont les premières éditions des Fables de La Fontaine, illustrées par Jean-Baptiste Oudry. « Des éditions réalisées pour Mme de Pompadour en 1755. Oudry était son professeur de peinture, explique la princesse, dont les mains gantées ouvrent délicatement les ouvrages un par un. Les Fables sont ceux que j’affectionne le plus, même si la bibliothèque contient d’autres ouvrages rares comme l’Encyclopédie de Diderot, les gravures de Piranèse ou encore la Description de l’Égypte », énumère-t-elle. Le défi ici est d’ouvrir la bibliothèque à la visite tout en la protégeant.

Des pièces pleines de vie
Sa bibliothèque, sa collection de mobiliers anciens et d’œuvres d’art rassemblés en quatre siècles font la notoriété du château de Serrant, mais ce sont les appartements conservés dans leur jus qui lui donnent tout son charme. « Venez voir la chambre de la duchesse où nous avons vécu jusqu’en 2005, c’est ma pièce préférée », invite Hedwige de Merode. Et l’on découvre une chambre lumineuse, style Belle Époque, avec un cabinet attenant qui servait de salon d’habillage. « J’ai tout gardé sans trier », dit la propriétaire en empoignant le sac à main de sa mère qu’elle se met à fouiller. Surprise ! En ressort un vieux ticket de métro parisien oublié. « Plus on ouvre les tiroirs, plus on découvre des choses... Il y a deux ans, j’ai trouvé ce bel éventail », ajoute la princesse en montrant l’accessoire, exposé depuis sur une étagère. Des objets intimes posés pêle-mêle, des fleurs fraîches dans un vase, un parfum de rose... on a l’impression que l’ancienne occupante vient à peine de quitter sa chambre. « En gardant tout en l’état, j’offre aux visiteurs la possibilité de palper la vie qui se déroulait ici. Ce n’est pas un musée, mais un lieu de vie. C’est assez rare d’expérimenter cela dans un château de la Loire, c’est notre marque de fabrique. » Le même souci de préservation anime les pièces du sous-sol. « Elles sont telles qu’elles ont été aménagées en 1890 ! On se croirait dans Downton Abbey, n’est-ce pas ? » On imagine en effet des domestiques s’affairant dans l’immense cuisine, la blanchisserie ou le réfectoire au milieu duquel trône une grande table... le tout donne un aperçu étonnant de la vie du personnel de l’époque.