Détours en France : Rêver et visiter, apprendre et voyager, se divertir et voir la France autrement

Balade dans le Berry, au pays de George Sand

Maison de George Sand à Nohant, dans le Berry © Tuul et Bruno Morandi / Détours en France

Publié le par Vincent Noyoux

C’est peu dire que la « bonne dame de Nohant » était attachée au Berry, qu’elle a abondamment décrit dans son œuvre. Un bon prétexte pour musarder à Nohant, bien sûr, mais aussi dans la vallée Noire, où se nichent des rivières à moulin et où résonne la vielle des maîtres sonneurs.

« Toutes les hauteurs sont boisées, c’est ce qui donne à nos lointains cette belle couleur bleue, qui devient violette et quasi noire dans les jours orageux. » Ainsi George Sand plante-t-elle le décor de la vallée Noire, cette contrée qu’elle décrit abondamment dans ses romans au mitan du XIXe siècle. Un territoire qu’elle connaissait comme sa poche pour le parcourir à cheval depuis son enfance. Cependant, ne cherchez pas de « vallée Noire » sur votre carte. « En fait, il s’agit de toute la haute vallée de l’Indre et ses affluents ainsi qu’une grande partie du cours sinueux de la Bouzanne. Grosso modo, les 20 kilomètres de bocage autour de Nohant », nous éclaire Annick Dussault, attachée de conservation du patrimoine. Pour mettre ses pas dans ceux de George Sand, il faut commencer par visiter le domaine de Nohant

Nohant, le domaine où a vécu George Sand

Maison de George Sand à Nohant, dans le Berry
© Tuul et Bruno Morandi / Détours en France

C’est ici, dans cette belle demeure de 1793 entourée d’un vaste parc, que l’écrivaine a grandi et vécu. Le salon est encore là, avec ses tableaux et son lustre en verre de Murano. George Sand écrivait la nuit, à la bougie, et préférait un hamac à son lit, trop encombré d’affaires pour s’y coucher. Le Tout-Paris, pourtant à trois jours de calèche de là, se pressait autour de la table du salon pour parler littérature, politique et philosophie. Eugène Delacroix, Balzac, Flaubert, Théophile Gautier... Sans oublier Frédéric Chopin, qui a écrit, durant les sept étés qu’il passa ici, la majeure partie de son œuvre. Les deux amants aimaient se promener dans la campagne berrichonne

George Sand et Frédéric Chopin, la romancière et le musicien

Tandis que Chopin collectait les musiques traditionnelles locales, comme la bourrée, Sand recueillait quelques-unes des légendes rustiques qui lui inspireront quelques beaux romans. Le plus célèbre est La Mare au Diable. Le lieu existe vraiment, à 10 kilomètres de Nohant-Vic. Dans le bois de Chanteloube, une croix est plantée au milieu d’une mare à sec. « Celle-ci était trois fois plus grande à l’époque de George Sand », assure Annick Dussault. Les jours de brume, on imagine Germain, Marie et le petit Pierre errer dans ce bois mystérieux.

Plonger dans le décor de ses livres

Nohant, l'église romane Sainte-Anne, dans le Berry
© Tuul et Bruno Morandi / Détours en France

Pays de superstition, le Berry regorgeait de rebouteux, sorciers, « panseux de secret », sourciers... Que le brouillard tombe dans les « brandes » (pâturages marécageux) et les imaginations pouvaient s’emballer lors des veillées au coin du feu... Le merveilleux s’invite au parc des Parelles, au sud du village de La Châtre. Le long du sentier, les blocs de pierre fendus en deux jonchent une forêt luxuriante, traversée par une rivière couleur de thé fumé. « C’était une oasis de granit et de verdure, un labyrinthe où tout était refuge et mystère », écrit George Sand, dans Nanon en 1872. Le village de Lys-Saint-Georges affiche un beau château, flanqué de son pont dormant, mais aussi une touchante maison de pays, la maison du Jardinier. Une poignée de dames bénévoles gardent avec le sourire ce logis paysan, transformé en petit musée, avec ses murs en torchis chaulé, ses poutres noircies et ses polissons (pans de bois). George Sand a dû entrer dans bien des intérieurs pareils à celui-là. En plus, on y parle encore ce patois berrichon qui sent bon la paille et le champignon.

Que visiter autour de la maison de George Sand ?

Château de Sarzay, dans le Berry
© Tuul et Bruno Morandi / Détours en France

Huit kilomètres plus loin, le moulin d’Angibault inspira à la dame de Nohant l’un de ses meilleurs romans de terroir, Le Meunier d’Angibault. Le moulin à aube fonctionne et se visite, mais c’est le charme bucolique du bief et de l’allée de chênes qui nous retient. Un endroit parfait pour lire l’histoire de Grand-Louis, le meunier pauvre. « “La propriété, c’est du vol”, fait dire George Sand à son personnage principal. Elle faisait passer des idées subversives. Loin de son image de bonne grand-mère à confitures, c’était une écrivaine engagée qui se disait communiste », précise Annick Dussault. Non loin de là, le château de Sarzay presse ses hautes tourelles contre le donjon central. Quelle allure ! George Sand le fait brûler dans Le Meunier d’Angibault. Par chance, la forteresse du XIVe siècle est toujours debout. Le mérite en revient à Richard Hurbain, un ancien électricien devenu châtelain en 1982. Sans fortune, mais avec femme et enfants, il relève les ruines, se fait couvreur, tailleur de pierre, charpentier. « La chapelle était un poulailler », dit-il. On peut toujours monter au sommet de la tour pour admirer la charpente des cinq tours réunies et le panorama sur la campagne. Dans Les Maîtres sonneurs, George Sand raconte la vie des « cornemuseux » du Berry et du Bourbonnais. « À l’époque, chaque village avait son vielleux (joueur de vielle à roue) et son cornemuseux pour animer les fêtes locales », explique le luthier Sébastien Tourny. Installé à La Châtre, ce spécialiste de la vielle à roue fabrique quinze instruments par an et son carnet de commandes est plein. « Une nouvelle génération dépoussière cet instrument, dont jouait Marie-Antoinette ! » D’une main, il fait tourner la roue qui fait vibrer la corde, de l’autre il actionne les sautereaux (touches) qui rappellent celle de l’accordéon. Comme dans La Petite Fadette, une bourrée prend vie grâce au bourdon (note tenue).

Balade à travers la « Suisse berrichonne »

Village de Gargilesse, dans le Berry
© Tuul et Bruno Morandi / Détours en France

George Sand savait danser la bourrée... Elle s’y entendait aussi en piano, Chopin oblige. « C’est elle qui a inventé l’expression de “note bleue” à propos de Chopin », nous apprend Cyril Huvé. Ce pianiste, qui a remporté la Victoire de la musique en 2010, s’est installé en 2009 à Chassignolles. Dans sa grange traditionnelle à porteau, il organise chaque été un festival de musique classique qui attire nombre de musiciens reconnus. Le reste de l’année, des artistes en résidence investissent la grange aux Pianos. « Amener la musique en milieu rural était un choix audacieux, mais la campagne a aussi le droit d’accueillir de grands artistes. » Le public vient de loin écouter du Bartók, du Schönberg ou de l’opéra sous les étoiles du Berry. Notre virée serait incomplète sans une visite à Gargilesse, où George Sand s’ensauvageait. Séjournant à la villa Algira, elle herborisait, chassait les papillons, pêchait l’écrevisse, se baignait, peignait des « dendrites » (aquarelles)... Aujourd’hui, elle reconnaîtrait sans peine le village avec son château, ses pensions d’artistes et ses ateliers-galeries. Elle prendrait aussi plaisir à parcourir sa « petite Suisse berrichonne », dont la nature exubérante la distrayait de Nohant.

A voir aussi : Sainte-Sévère, un vrai décor de cinéma

Sand évoque Sainte-Sévère dans Mauprat (1837), mais c’est à Jacques Tati que le village doit sa réputation. En 1947, son équipe y débarque pour tourner Jour de Fête le temps d’un été. Le succès en salle est tel que le décor du film a été reconstitué dans le village. La maison de Jour de Fête propose même une scénographie qui raconte le tournage et immerge le visiteur dans les années 1950. La commune, quant à elle, ne manque pas d’atouts avec sa belle halle en bois, son château et ses maisons à lambrequins. Une balade à vélo permet de faire la « tournée américaine » à la façon du facteur François !

Sources

Sujets associés