Peio Lambert, protecteur du littoral

Située à la sortie du village en direction d’Ilbarritz, Erretegia est l’une des six plages de Bidart. En contrebas des habitations, encerclée de falaises, elle a une nature plutôt sauvage qui fait la joie des touristes, mais aussi celle des investisseurs de tout poil depuis trop longtemps : route bitumée, projet de lotissement heureusement abandonné, parkings, camping...
« Erretegia, ce sont 65 hectares classés en zone Natura 2000, avec la coexistence de plusieurs milieux : lande atlantique, prairie littorale, plages, dunes grises. » Technicien au conseil départemental, Peio Lambert est le responsable du projet de renaturation dont Erretegia bénéficie depuis 2020. Renaturation, c’est-à-dire ? « Recréer des habitats naturels, redonner place à la biodiversité, diminuer l’empreinte humaine négative tout en autorisant l’accès au plus grand nombre. » Ainsi, les voitures ont été reléguées au plus loin de la plage, la pierre de Bidache a remplacé le bitume, des tamaris ont été replantés, la prairie restaurée grâce à des couches de foin vert, utilisé pour la réensemencer. Quatre ans plus tard, Erretegia fait des émules : « Des communes du littoral français nous ont demandé conseil », se réjouit Peio. Parmi les prochains chantiers, réfléchir à l’érosion qui menace les plages et cause des éboulements, comme sur la route de la Corniche ou sur les plages environnantes : « Nous perdons environ 80 centimètres par an depuis un siècle. Un défi à relever, important mais pas impossible. Il faut s’adapter en inventant de nouveaux tracés. »
Josy Arrossagaray, la bonne fée d'Iraty

Il y a encore des divinités bien inspirées dans les forêts profondes du Pays basque. La preuve avec Josy, qui préside depuis 2008 à la destinée des chalets d’Iraty, complexe hôtelier créé voici cinquante ans dans la forêt éponyme. « Les chalets font partie de l’histoire familiale : c’est mon père, maire de Larrau, qui a soutenu le projet à l’époque. » L’implantation du site au cœur de la forêt, voulue par le syndicat de la vallée de Soule pour lutter contre l’exode rural, est mal perçue au début : « Des chalets avec l’eau courante et le chauffage, quand il n’y en avait pas dans les maisons de la vallée, forcément ça passait très mal. » Aujourd’hui, les enfants des opposants d’alors y passent le week-end.
Une quarantaine de chalets au cœur de la forêt, avec poêles à bois et vue sur
le pic d’Orhy, des vaches et des chevaux qui paissent et passent sous vos fenêtres, un large choix de sentiers de randonnée, à pied ou en raquette l’hiver, des activités comme l’observation des oiseaux avec la LPO, la découverte de la transhumance avec un berger et, nouveauté cette année, des activités autour de la méditation et du yoga : le complexe est un véritable havre de paix, un lieu de ressourcement extraordinaire à savourer tout au long de l’année. « Nous essayons de le faire évoluer en préservant ce qui fait la spécificité de sa nature : le pastoralisme. Notre positionnement est humain avant d’être touristique, et c’est parce qu’il est humain qu’il fait du bien au tourisme. » Très attachée au respect de la terre, de sa terre, Josy défend farouchement Iraty et son ADN : « Une montagne vivante, habitée et pastorale. »
Fabien Hourtané et Sébastien Gorostiague, le fromage en partage

La route grimpe au-dessus de Saint-Jean-Pied-de-Port à n’en plus finir. « Nous sommes faciles à trouver, la dernière ferme avant le ciel », s’amuse Sébastien. Avec son compagnon, il a repris il y a quinze ans la ferme où son père a commencé comme métayer. Fort de son BTS agricole, il se lance alors dans l’élevage des brebis manech tête rousse. Fabien le Béarnais a un profil bien différent. Des études de géologie à l’université de Pau, la passion de la montagne, celle de l’écriture (un premier polar, En quête d’or et d’acier, paru en 2022 aux éditions Sud-Ouest) et une envie d’autre chose : le voilà qui apprend à faire du fromage. Le couple décide de passer à l’élevage en bio et d’ouvrir la ferme à la visite.
Avec 200 brebis, les journées sont bien occupées. « Pas besoin de les emmener à l’estive : on y est déjà ! » C’est vrai qu’à 500 mètres d’altitude, avec vue sur les montagnes, les brebis ont ici la vie douce. « Nous ne pratiquons qu’un agnelage par an, pour respecter le cycle naturel », souligne Fabien. Six mois de vacances pour elles, donc ! Ce n’est pas le cas dans d’autres élevages, où les brebis sont poussées à agneler plusieurs fois par an par le biais de traitements hormonaux. Pas tout à fait le même monde...
Après la traite effectuée deux fois par jour, Fabien confectionne des ossau-iratys au lait cru, fromages à la belle couleur orangée et diffusant d’appétissants arômes de noisette.
Pour expliquer leur métier et l’importance d’un élevage soucieux du bien-être animal, Fabien et Sébastien ont ouvert leur ferme au public. Sur les tables en bois décorées de bouquets de fleurs de montagne, on s’installe pour une dégustation improvisée. Là, Gos et Xumi, les chiens de la maison, attendent de jouer au lancer de bâton... Le bonheur, comme le fromage, ça se partage.
Jean-Élie Tapia, le gardien d'Ortillopitz

Qui n’a pas rêvé, en voyant les robustes fermes blanches qui parsèment la campagne du Labourd, de pousser la porte de l’une d’entre elles pour connaître la vie d’autrefois ? Bâtie en 1660, la maison Ortillopitz, à côté de Sare, fait revivre les traditions de l’etxe, grâce à la volonté de Jean-Élie Tapia qui a ainsi sauvé cette demeure de l’oubli.
« L’etxe, c’est la maison. Au Pays basque, elle est au cœur de nos vies. Elle prend le nom du lieu-dit : par exemple, etchegorry, “maison rouge”. Et les familles prennent le nom de la maison. Ici, on appartient à la maison, et non l’inverse. » Jean-Élie appartient à Ortillopitz (« crête de schiste ») depuis 1999, quand il l’a achetée avec son épouse, en souvenir de sa grand-mère, veuve de guerre, qui y avait vécu comme métayère. Le couple veut alors la faire revivre comme en 1660 : « Heureusement, tout avait été recouvert, mais pas détruit. Même le mobilier d’origine. » Il faut quand même enlever les ajouts et retrouver les gestes d’antan, comme le chaulage des murs.
Ortillopitz est l’illustration parfaite de la vie d’autrefois à la ferme, avec son xaia (chai) à cidre, la cuisine pièce à vivre (sukaldea), les chambres (ganbara) et le grenier (selauru), où étaient entreposés le maïs, les haricots, les pommes. On rêve devant les vieux coffres de mariage, le zuzulu – grand banc devant la cheminée –, les planchers en bois de bateau et les éviers en grès de la Rhune. L’etxe est aussi l’occasion d’apprendre l’histoire du Pays basque, la transmission des biens avec l’égalité des sexes (l’héritier est le premier-né, qu’il soit garçon ou fille), le rôle des femmes dans les assemblées communales, les bilsars. Chaque maison a une voix, les femmes à la tête d’un etxe ont donc le droit de vote. « Être propriétaire d’un etxe est une charge, on ne s’enrichit pas avec. On est là pour poser une pierre, honorer la mémoire de nos ancêtres et transmettre à nos enfants. » Voilà qui est fait : les deux fils de Jean-Élie et de son épouse vont continuer à faire vivre Ortillopitz.
Amandine Busiau, l'espadrille au bout des doigts

Le destin d’Amandine, fille et petite-fille de couturière, paraissait tout tracé. Après un CAP couture, elle ne marche pourtant pas tout à fait dans les pas de ses aînées en se lançant dans la confection des espadrilles avec Pascale Douet. Mais on reste dans la famille, puisque celle-ci est sa belle-mère. Ouvrière pendant des années pour la maison Garcia de Bidart, Pascale monte son propre atelier quand l’entreprise ferme ses portes en 2006. Un an plus tard, l’Art de l’espadrille s’installe à Saint-Pierre-d’Irube, à proximité de Bayonne. Avec pour credo le fait-main, entre tradition et modernité. Car Pascale dessine ses modèles, travaille aussi sur mesure et sur commande. « Chez nous, on peut venir avec une idée bien précise, et même avec son propre tissu. » Avec deux ouvrières, Maritxu et Véronique, la maison peut se vanter d’être la plus petite fabrique d’espadrilles de France.
Pascale prend sa retraite en 2023, après avoir formé Amandine durant deux ans. L’esprit reste le même, dans le respect des traditions : du 100 % fait main, et une toile de coton cousue avec du fil de coton sur une semelle en jute et en latex. Amandine privilégie aussi le sur-mesure : « Nos clientes viennent nous voir pour un mariage, une soirée ou pour retrouver un modèle qui les a marquées. » Mais la jeune femme a aussi ses propres idées, comme développer la communication via les réseaux sociaux, concevoir des modèles en velours ou en cuir, et multiplier les démonstrations de son art auprès des jeunes. La transmission, c’est la clé.