Détours en France : Rêver et visiter, apprendre et voyager, se divertir et voir la France autrement

Les grands cols pyrénéens en combi Wolkswagen

Le combi Volkswagen arrivant au col de Peyresourde dans les hautes-Pyrénées © Philippe Roy / Détours en France

Publié le par Philippe Bourget

La mode vintage a remis au goût du jour le Combi VW, véhicule mythique des années 1970. C’est donc ensemble que nous avons entrepris ce périple pyrénéen, à l’assaut des routes garonnaises et ariégeoises les plus élevées du massif. Un roadtrip au goût d’avant et une formidable occasion de découvrir la route des cols et vallées rurales, sous le regard amical de voyageurs conquis par la bouille sympathique de notre Volkswagen.

Ce n’était pas un rêve d’enfant, plutôt une envie forte : traverser les Pyrénées en Combi VW, histoire de goûter aux saveurs de la conduite « seventies » et d’éprouver cette liberté à laquelle nos parents avaient goûté. Nous n’avons pas été déçus. Aux joies d’un pilotage débarrassé de tout superflu techno – quel repos pour les neurones ! – s’est ajouté le plaisir d’un voyage slow travel, rendu obligatoire par les capacités routières forcément limitées du Combi. Parlons de ce véhicule... Vert pâle à toit blanc, il se prénomme The Dude. C’est le nom donné par le loueur à ce camper de 1977... retrouvé dans un séchoir à tabac près de Bordeaux ! Restauré, son moteur de 1600 cm3 délivre allégrement 47 chevaux. De quoi observer tranquillement le paysage, coude à la portière... Mais ce moteur d’origine s’avérera « increvable », jamais intimidé par les plus forts pourcentages de la route des cols. Au volant (50 cm de diamètre, presque horizontal, un vrai camion!), la posture est dominante. Grand levier de vitesse, vitres manuelles à petite manivelle et essuie-glaces grincheux maîtrisés... c’est parti pour 260 km de roadtrip à travers huit cols des Pyrénées !

 

Ambiance vintage

Les villages de Portet de Luchon et Jurvielle dans la vallée du Larboust en Haute-Garonne
© Philippe Roy / Détours en France

La montée du col de Peyresourde depuis Arreau laisse entrevoir le talent des anciens ingénieurs de VW. La troisième vitesse est alerte, longue et endurante. Quand elle ne suffit pas à sortir d’une épingle, la seconde s’impose, nerveuse et courte. Il peut y avoir un « trou » entre les deux vitesses, aussi vaut-il mieux les enchaîner rapidement. Sous un grand soleil, nous arrivons ainsi au col, à 1563 mètres d’altitude. Arrêt photo devant la borne routière vintage « RN618 de Saint-Jean-de-Luz à Argelès-sur- Mer ». La descente en lacets est l’occasion d’une belle séquence photo. Le décor de cette aventure ? Un fond de scène de montagnes à vaches verdoyantes et le premier village du Luchonnais, Jurvielle. Après un court crochet à Oô, point de départ d’une randonnée vers le lac et la cascade éponymes, Bagnères-de-Luchon s’annonce sous ses habits thermaux. Le premier créneau est effectué avec succès sur les allées d’Étigny, voie chic ombragée bordée de cafés terrasses menant aux thermes. Il n’y a pas de direction assistée sur les Combi, les bras en font office ! Clic, clac, il faut ensuite verrouiller chaque porte manuellement, sous le regard de passants attirés par le visage amical du Combi et de ses deux phares ronds. Petit tour dans Bagnères, ville thermale ressemblant à tant d’autres, avec ses immeubles bourgeois du XIXe siècle... La route du col du Portillon vers l’Espagne et Bossost étant fermée, nous remontons au nord la vallée de la Pique et gagnons Saint-Béat. Nous y traversons la Garonne, venue de la frontière espagnole, sous le regard d’un château fort du XIIe siècle. Passé le mémorial Luis Ocaña, le Combi part à l’assaut du col de Menté et de ses versants hyperboisés. Au sommet (1 349 m), pause auprès d’une fontaine-abreuvoir en bois. Le vert céladon du véhicule se marie fort bien avec l’émeraude des forêts. Notre photographe s’en donne à cœur joie…

Vintage road

Le pont en pierre sur la Bouigane dans le village d'Audressein en Ariège
© Philippe Roy / Détours en France

Au bas du col, à Ger de Boutx, le ciel menace et l’air rafraîchi booste le moteur. Aucune surchauffe à l’attaque du col de Portet-d’Aspet (1069 m), vaincu avec aisance ! Nous sommes entrés dans un secteur isolé, émaillé de hameaux, et de maisons perdues sur les versants entourées d’anciennes prairies de fauche. Bienvenue dans le cœur des Pyrénées rurales. Au col, le Combi et ses passagers demandent à souffler. C’est le moment de la pause apéritive. Capucine relevée, l’habitacle arrière se fait soudain convivial, avec sa banquette-coin-cuisine (gaz, frigo, meubles de rangement...) ouverte sur la porte latérale coulissante. Nous sortons la table et les chaises de pique-nique et jouissons de l’instant, à la fraîche, seuls au monde ou quasiment. Bonheur de l’itinérance et de la liberté… La descente du col est rapide et nous propulse en Ariège. Avec son grand débattement, le volant procure une sensation de plaisir, permettant d’enchaîner les virages avec fluidité. Voici Saint-Lary, premier village ariégeois, avec son église « blanche » au clocher octogonal. L’enfilade de petites communes égrenées le long de la Bouigane (Orgibet, Illartein, Aucazein, Argein...) laisse apparaître les premières églises romanes ariégeoises et leurs clochers-murs en triangle. La D618, conciliante, conduit le van jusqu’à Audressein. Arrêt obligatoire dans ce bourg de poche (et de charme) et photo souvenir avec le Combi sur le pont en pierre, à arche unique. Nous visitons la très jolie église à clocher trinitaire Notre-Dame-de-Tramesaygues, remarquable avec son porche peint de fresques et son sol couvert de gros galets, très médiéval. Nous y croisons aussi trois personnes en train de discuter... et tendons l’oreille. Ça parle ours. « On en a vu un au-dessus du village », confirme l’un des trois. Le thème est récurrent dans ces hautes vallées où l’animal cause quelques dégâts dans les troupeaux de brebis... Sur ces réflexions animales, nous bifurquons vers Saint-Girons et Saint-Lizier pour une nuit réparatrice. Le lendemain matin, le Combi nous accueille tout sourire, malgré la rosée qui le recouvre. Vraiment sympa, cette caboche ronde et avenante, elle mériterait presque une caresse ! Nous mettons cap au sud et traversons Castillon-en-Couserans, dominé par la chapelle Saint-Pierre. Les hautes vallées sont sous les nuages lorsque nous parvenons aux Bordes-sur-Lez. À droite, en contrebas, le décor formé par le pont en pierre, l’église à clocher-mur Saint-Pierre d’Ourjout et quelques maisons dans leur jus forment une scène typique d’une ruralité un peu figée. Nous n’en avions sans doute pas pris conscience la veille mais conduire un Combi est l’assurance... de ne jamais s’endormir au volant. Le moteur, teuf-teuf au démarrage, effet bœuf en sorties de virage, oblige à une communication aiguë avec le passager. Sur ce constat, nous grimpons vers le col de la Core (1 395 m), depuis une belle vallée en auge. Un stop à la fromagerie de Samortein et une traversée de l’étroit village d’Ayet plus tard, nous atteignons le lac de Bethmale, une des plus agréables haltes de l’itinéraire.

Sympathie des routard

Le lac de Bethmale et ses eaux émeraude en Ariège.
© Philippe Roy / Détours en France

Le van a beau être bruyant – et sans doute est-ce aussi pour cela ! –, il suscite la sympathie de tous les routards croisés en chemin. À Bethmale, un couple de camping-caristes tient à voir absolument notre « intérieur ». Au col de la Core, sous la brume, des motards lotois se prennent en selfie devant lui, discutant technique et moteur. Toujours des sourires, des pouces levés, quelques appels de phares... Nous jubilons, conscients de représenter une certaine idée du roadtrip. C’est ainsi que nous dévalons vers la vallée du Salat, autre territoire ariégeois de traditions déployé dans des paysages très boisés. Au bord de la rivière, l’arrêt à Seix s’impose. Voilà un bourg de vallée intéressant, avec le très beau clocher campanaire (un de plus !) de l’église, la halle couverte sous la mairie (comme à Arreau), la vaste maison à balcons de bois à ses côtés et les vieux commerces inchangés. La pause déjeuner effectuée, nous grimpons le long du Salat puis obliquons à l’est vers la vallée de l’Alet, au Pont de la Taulé. Au passage, ne pas oublier de faire le plein ! Il faut prendre soin de trouver une station vendant du Super 98... Inutile en effet de mettre du E95 ou un autre carburant moderne, le Combi marche « à l’ancienne ». Forcément, cela coûte... Il a plu dans la vallée et les odeurs d’arbres mouillés pénètrent dans l’habitacle, recouvrant celle d’essence. Nous stoppons, frein à main de « 2 CV » tiré à fond, à Trein d’Ustou. Au-dessus du village se tiennent une église semi-ruinée et les restes d’un fortin des XIe-XIIe siècles. La montée du col de Latrape (1110 m), cinquième passage haut de notre itinéraire, s’effectue dans le brouillard et la solitude. Ni vu, ni connu ! Aulus-les-Bains apparaît soudain à la descente, mini-station thermale des confins ariégeois, planquée dans une vallée piquetée de prairies. Vient alors l’épreuve du parcours : la montée au col d’Agnés (1570 m). C’est le second plus haut de notre périple et le Combi s’en rend compte. Il halète, demande avec force de « tomber » le second rapport pour soulager une troisième à bout de souffle. Une petite bruine et un brouillard subits rendent l’ascension soudain aventureuse... et excitante. Virages en épingle, froid et humidité : on comprend la souffrance des cyclistes qui doivent l’escalader. Nous dévalons le col pour remonter aussitôt au port de Lers (1517 m), juste après un lac. Aurions-nous rêvé ? Abusé des gaz d’échappement du VW ? Des zébus d’ébène se baladent en liberté sur la route, fruit d’un élevage alternatif d’estives. L’étroite descente vers Val-de-Sos est piégeuse, ce n’est pas le moment de mettre une roue sur le bas-côté. Il est l’heure de rejoindre Tarascon-sur-Ariège, au moment où le paysage moins touffu et le calcaire naissant commencent à évoquer un décor plus méditerranéen.

La barre des 100 km/h

Tarascon-sur-Ariège
© Philippe Roy / Détours en France

Tarascon vaut mieux qu’un café en terrasse. Le quartier haut, historique, se tapit derrière une butte qui le protège des débordements de l’Ariège. Encadrée de maisons mitoyennes dont beaucoup sont à restaurer, la rue du Barri franchit une porte fortifiée qui conduit via rue Nauge à la place Garrigou. Arcades, fontaine, église à clocher-mur, tour-clocher Saint-Michel... une rénovation complète lui donnerait fière allure. Un peu plus haut, des escaliers et des passages mènent à la tour du Castella, vigie du XVIIIe siècle érigée à la place d’un donjon médiéval. Le totem de Tarascon. Combi reposé, il reste à filer vers le col de Puymorens.

L'étang de Lers sur la route des cols d'Agnès et de Le Port dans l'Ariège.
© Philippe Roy / Détours en France

Changement de décor sur cette RN20 qui entraîne vers l’Andorre, passagère et moins glamour. Sur les portions plates autorisées, le VW franchit gaiement la barre des 100 km/h, le long de la vallée de l’Ariège (le compteur affiche un maximum de 140 km/h). Après Luzenac et sa célèbre usine de talc, Ax-les-Thermes offre une ultime halte. Si l’on a mal aux pieds d’avoir trop freiné ou embrayé, le petit bassin d’eau thermale de la place Saint-Jérôme réchauffera les muscles endoloris. Allez, encore un effort ! La pluie a refait son apparition quand nous grimpons les premières pentes du col de Puymorens (1920 m), laissant à droite l’Andorre et ses produits détaxés. Dans le couic-couic du moteur des balais d’essuie-glaces, nous atteignons enfin le col. Merci cher et vaillant Combi, qui n’a pas montré en trois jours le moindre signe de faiblesse !

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