Le massif de la Sainte-Baume

Une longue barre rocailleuse zèbre le ciel provençal. Depuis le parking de l’hostellerie de la Sainte-Baume, sur le plateau du Plan-d’Aups au nord du massif, le regard se fixe sur une portion de l’arête rocheuse. Une paroi verticale haute d’une centaine de mètres semble jaillir de la forêt. Très vite, l’œil distingue dans la muraille une cavité et des constructions agrippées à la roche : le sanctuaire de Marie-Madeleine et le couvent des Dominicains. La communauté veille sur le site depuis la fin du XIIIe siècle. Tous les soirs, quel que soit le temps, depuis l’hostellerie située à 760 mètres d’altitude, un des sept frères traverse les bois et monte jusqu’à la grotte. Un trajet d’environ quarante-cinq minutes que nous débutons aussi en ce matin de juin en empruntant le chemin du Canapé. « Le massif de la Sainte-Baume est sacré pour plusieurs raisons », explique notre accompagnateur Benoît Milan, chargé de mission éducation à l’environnement et au territoire, au sein du parc naturel régional de la Sainte-Baume. « Il y a la grotte, bien sûr, mais aussi la forêt, vénérée par les Celtes dès l’Antiquité. » Les naturalistes d’aujourd’hui révèrent aussi cette futaie, dont les essences diffèrent des massifs forestiers régionaux. Orientée au Nord, ombragée par une haute falaise, rafraîchie par le vent marin chargé d’humidité qui s’engouffre depuis les crêtes par le col du Pilon, la forêt abrite un peuplement plutôt rare sous ces latitudes. Alors que nous pénétrons sous les frondaisons, nous distinguons des hêtres, des érables, des ifs et des houx, certains de très grande taille. « On parle de “forêt relique”, car ces espèces auraient dû être repoussées vers les régions plus au nord après le réchauffement qui a suivi la dernière phase des glaciations quaternaires. Ici, bien au contraire, elles se sont maintenues », précise notre guide.
Un ermitage sous la roche

Bientôt une intersection de chemins marquée d’un oratoire nous rappelle que nous parcourons un sentier de pèlerinage et nous tire de nos songes naturalistes. Nous suivons la direction du sanctuaire. Le sentier empierré s’extirpe de la forêt, et la falaise de calcaire s’impose à nous, monumentale. Des écriteaux invitent au silence. Quelques marches encore et nous voici sur une petite terrasse dominant le plateau du Plan-d’Aups et donnant accès à la grotte. Frère Patrick-Marie Bozo, en tunique blanche, discute avec quelques randonneurs matinaux. « Les gens n’osent pas frapper à la porte du couvent », explique-t-il en désignant le petit bâtiment où les gardiens du sanctuaire séjournent à tour de rôle. « Je vais à leur rencontre pour leur expliquer cet ermitage où Marie-Madeleine, la première personne à voir le Christ ressuscité, aurait passé, selon la tradition provençale, trente années de sa vie après être arrivée aux Saintes-Maries-de-la-Mer, en Camargue, et avoir participé à l’évangélisation de la Provence. » L’intérieur de la grotte, aux parois suintantes d’humidité, abrite une église troglodyte et un reliquaire vénéré. « En 1279, la découverte du tombeau de Marie-Madeleine à Saint-Maximim marque le renouveau d’une tradition de pèlerinage vers la grotte, via le chemin des Roys ponctué d’oratoires, comme celui que vous avez vu plus bas. Nous observons aujourd’hui un regain de spiritualité autour de la figure de Marie-Madeleine, emblématique d’une notion de féminin sacré très à la mode », précise le frère dominicain.
Le château d’eau de la Provence

L’appel des hauteurs se fait sentir. Nous rejoignons le GR9 en direction du col du Pilon. Des rafales de vent nous accueillent sur les crêtes, à 953 mètres, dans un paysage minéral qui tranche avec l’exubérance de la forêt. Au sud, une pente douce brodée de garrigue semble glisser vers l’horizon et accompagne le regard vers le plateau du Castellet, les monts toulonnais, le cap Sicié et la mer. Au nord, souveraine, la montagne Sainte-Victoire ressemble à une vague pétrifiée. « La sécheresse de surface est trompeuse : la Sainte-Baume est le château d’eau de la basse Provence, précise notre accompagnateur, géographe de formation. Plusieurs cours d’eau, comme l’Huveaune, ont leur source dans le massif qui est aussi parcouru de rivières souterraines. L’une d’elles se jette dans les calanques à Port-Miou. » Depuis le col, nous empruntons vers l’ouest le GR98, en direction de la chapelle du Saint-Pilon. Selon la légende, c’est ici que les anges emmenaient Marie-Madeleine prier sept fois par jour. À près de 1000 mètres d’altitude, nous poursuivons notre marche sur les crêtes, étonnés de la variété de la végétation adaptée à ce milieu minéral. Des landes de genêts de Lobel, épineux arbrisseaux au port en coussinets, mouchettent de vert et de jaune les bords du chemin. Des genévriers rampants, des graminées ondulant au vent, de la lavande vraie au parfum suave... Plus loin, vers le pas de la Cabre, les dalles de calcaire présentes de vilaines balafres. « Ce sont des lapiaz. Le massif calcaire de la Sainte-Baume a une structure karstique: ici, l’érosion liée par exemple à la pluie, au gel et au dégel, a créé des grottes, des dépressions ou ces lapiaz », explique Benoît Milan.
Le pic de Bertagne, blanche vigie

Près de 4 kilomètres après notre arrivée sur les crêtes, nous approchons d’une immense tour hertzienne qui assure la surveillance du ciel et les communications pour l’armée et d’autres institutions. C’est aussi vers une structure militaire, le radar blanc qui coiffe le pic de Bertagne sur la pointe occidentale de la Sainte-Baume, que nous nous dirigeons. Deux kilomètres plus loin, il faut quitter le GR98 qui file vers le sud pour rester sur le sentier des Crêtes et garder le cap vers le pic de Bertagne. Si l’accès au pic lui-même est interdit, on peut s’approcher du sommet à 1 042 mètres et apercevoir au loin les portiques des chantiers navals de La Ciotat et la ville de Marseille. Nous arrivons à l’extrémité ouest de la Sainte-Baume. Dernier regard à 360° sur la Provence et ses sommets. À l’ouest, les dents de Roque Forcade, monolithe de pierre, et, plus loin, le Garlaban, cher à Marcel Pagnol, inspirent d’ores et déjà de prochaines randonnées. La descente commence ici : le sentier se faufile toutes les infos pour randonner dans le massif. Ouvert du lundi au vendredi, entre les pierres avec un passage escarpé d’une centaine de mètres. Très vite, on atteint le col de Bertagne où l’on emprunte à main droite le sentier GR2013 Marseille-Provence qui s’enfonce dans le vallon boisé du chemin de fer. Loin des influences froides de la falaise, chênes verts, genévriers cades et pins sylvestres fleurent bon le climat méditerranéen. Nous visons le parking de la Brasque, à moins de 2 kilomètres où les grandes prairies d’une bergerie abandonnée constituent le décor final de notre itinérance sur la Sainte-Baume. Un nom qui vient du terme gaulois « Balma » désignant une caverne habitée par des ermites.
Où loger à la sainte-baume ?
Plusieurs catégories de chambres sont proposées dans cette maison tenue par les frères dominicains. À partir de 52 € par personne en demi-pension pour les chambres supérieures (avec salle de bains). Beaucoup de randonneurs fréquentent l’adresse. Seul bémol: les horaires. Fermeture de la réception (pour récupérer les clés ) à 19h et des portes de l’hostellerie à 22 h. Les dîners sont servis à 19h15.
L’hostellerie de la Sainte-Baume
2200 CD80 - Route de Nans
83640 Plan-d’Aups-Sainte-Baume

En pratique
Durée: 4h30
Distance : 13 kilomètres.
Niveau de difficulté : Plutôt difficile (compte tenu de la longueur), avec 600 mètres de dénivelé.
Carte IGN : Top 25 n° 3245 ET, « Aubagne, La Ciotat, Massif de la Sainte-Baume ».
À savoir : La veille du départ, à partir de 19 heures, vérifier l’accès au massif en consultant le site de la préfecture du Var.
Accompagnateur : Rando Garrigue, Alexandre Caramello. 06 30 05 86 55.