Détours en France : Rêver et visiter, apprendre et voyager, se divertir et voir la France autrement

Cet extraordinaire trésor que le Jura cache sous sa surface...

Le gouffre des Arcades, sur le sentier des Malrochers. Vue sur Baumes-les-Messieurs, depuis le belvédère des Granges-sur-Baume. - © Gilles Lansard / Détours en France

Publié le par Vincent Noyoux

Le massif du Jura ne cesse de surprendre par sa géologie variée autant que singulière. Un phénomène qui s’explique par une histoire vieille de centaines de millions d’années. Tectonique des plaques, usure glaciaire et érosion aquatique ont uni leurs forces pour façonner un territoire unique. Le Jura a même donné son nom à une période géologique, le Jurassique. Les dinosaures ne sont pas loin...

Le massif du Jura ne cesse de surprendre par sa géologie variée autant que singulière. Un phénomène qui s’explique par une histoire vieille de centaines de millions d’années. Tectonique des plaques, usure glaciaire et érosion aquatique ont uni leurs forces pour façonner un territoire unique. Le Jura a même donné son nom à une période géologique, le Jurassique. Les dinosaures ne sont pas loin...

Des reculées spectaculaires

Les reculées sont les accidents du relief les plus spectaculaires et les plus typiques du massif du Jura. Ces profondes incisions des plateaux situés sur la bordure occidentale du Jura forment des cirques naturels étonnants. La reculée de Baume-les-Messieurs en est l’exemple le plus frappant. Celle-ci est constituée de trois vallées d'effondrement, surplombée par d'impressionnantes falaises calcaires de 200 mètres de hauteur. On y admire une autre curiosité géologique : les cascades des Tufs, aux airs de chutes d’eau tropicales. Et pour ne rien gâcher, la reculée abrite un joli village classé et une abbaye dite « impériale ». Un peu plus au nord, la reculée des Planches-près-Arbois est à ne pas manquer : un hémicycle de hautes parois au pied desquelles la Cuisance prend sa source sous forme de gours et de cascades sur roche moussue. Digne d'un autre monde...

Chefs-d’œuvre du karst

Le gouffre pédagogique porte bien son nom. Situé au nord de Besain, il est utilisé par les clubs de spéléologie pour l'initiation à ce sport extrême
Le gouffre des Arcades, sur le sentier des Malrochers. Un site d’exception où troènes, viornes lanthanes et autres frênes, végétation typique des sols calcaires, confèrent au lieu une aura empreinte de mystère. © Gilles Lansard / Détours en France

La circulation des eaux de pluie dans le sol calcaire a provoqué un ensemble de phénomène d’érosion (le karst) parfois Étonnants. Non loin du lac de l’Abbaye, le lapiaz des Chauvins se présente sous la forme de deux dalles rocheuses aux fissures innombrables. Les eaux de ruissellement chargées de CO2 ont dissous et sculpté la dalle calcaire de mille entailles et « marmites », tel une œuvre de land art naturel. La dalle la plus ancienne, qu’il faut aller dénicher à l’arrière de la première, s’est formée il y a 136 ou 130 millions d’années. Le sol semble avoir été scarifié par des coups de poignard. Mais ce n’est que l’action dissolvante de l’eau et le travail du froid. Ce monde de roche à nu quasi lunaire est aussi visible au lapiaz de Loulle, où quelques arbustes s’invitent dans les failles rocheuses. La faune et la flore se sont adaptées au sol aride : fougères, mousses, algues microscopiques, paillons et lézards... Entre Champagnole et Poligny, le sentier karstique des Malrochers nous plonge dans un décor de conte de fées. Au cœur d’une forêt peuplée de dolines (dépressions circulaires) et de gouffres, les fissures du lapiaz sont recouvertes de mousses. Celles-ci dessinent des silhouettes étranges et forment un véritable labyrinthe dans lequel on prend plaisir à se perdre.

Des plis historiques

Le chapeau de Gendarme, « bicorne calcaire » datant du Mésozoïque, ère intermédiaire du secondaire. Une curiosité à voir près de Saint-Claude.
Le chapeau de Gendarme, « bicorne calcaire » datant du Mésozoïque, est une curiosité à voir près de Saint-Claude. © Gilles Lansard / Détours en France

Le soulèvement des Alpes, dû à la collision des plaques continentales africaine et eurasienne, a provoqué les plissements de la chaîne du Jura et redressé presque à la verticale les couches sur lesquelles ont marché les dinosaures. L’un des meilleurs exemples de ce plissement se trouve dans les gorges du Flumen, à la sortie de Saint-Claude. Le chapeau de Gendarme, dont la forme évoque un bicorne napoléonien, est un millefeuille de minces couches calcaires, formé lors du plissement alpin il y a 15 millions d’années. La surrection du Mont-Blanc provoqué un déplacement des couches géologiques du Jura vers l’ouest, entraînant des cassures des couches calcaires sous la forme de failles chevauchantes et de plis. C’est ainsi que les couches à l’origine horizontales au fond des mers sont passées, sous la pression tectonique, à une position presque verticale. Le chapeau de Gendarme est un exemple des incroyables tortures que le calcaire du Jura a subi. Les cyclistes le connaissent bien puisqu’il se trouve au détour du tracé des lacets de Septmoncel, l’une des ascensions les plus réputées du Jura... et ligne d’arrivée d’une étape du Tour de France 2010. Le vainqueur fut Sylvain Chavanel. Chapeau (de gendarme) !

Pertes et fracas

Les pertes de la Valserine. De son parcours dans les profondeurs de la roche, la rivière a façonné un méandre labyrinthique ponctué de gorges, de cascades et de marmites de géants, appelées « oulles ».
De son parcours dans les profondeurs de la roche, la Valserine a façonné un méandre labyrinthique ponctué de gorges, de cascades et de marmites de géants, appelées « oulles ». © Gilles Lansard / Détours en France

Dans le massif du Jura, l’eau joue souvent à cache-cache. Certaines rivières disparaissent dans les profondeurs du sous-sol (on parle de pertes), suivant le réseau des failles et diaclases présentes presque partout dans les couches rocheuses, avant de retrouver l’air libre (on parle de résurgence). La résurgence la plus fameuse est celle de la Loue, souvent prise pour la source de la rivière. Les eaux qui jaillissent de la « source », si souvent peinte par Gustave Courbet, sont en fait une résurgence d’eaux infiltrées dans le socle calcaire de la région. Une partie du Doubs alimente ainsi la Loue, comme on s’en aperçut lors de l’incendie des usines Pernod de Pontarlier en 1901. Lorsque les pompiers déversèrent l'absinthe dans le Doubs pour éviter l’explosion des cuves, on constata des odeurs d’absinthe et une coloration jaune dans la Loue... La preuve était faite ! Au-dessus de Valserhône (anciennement Bellegarde-sur- Valserine), les pertes de la Valserine offrent un tout autre spectacle. Depuis la disparition du glacier qui recouvrait le Jura durant la période glaciaire de Würm, il y a 115 000 ans, la Valserine a creusé son lit dans les strates calcaires. C’est un paysage de gorges profondes qu’on dirait modelées par des doigts de géant. Les cascades s’y succèdent. Des cailloux prisonniers des flots ont sculpté des marmites énormes, qu’on appelle « oulles » par ici... Après un parcours souterrain de quelques dizaines de mètres, la bouillonnante Valserine réapparaît, apaisée dans un beau plan d'eau. Plus en aval, elle rejoint le Rhône.

Près de Valserhône, entre le pont Convert et le barrage Métral, une passerelle en encorbellement suit le cours de la Valserine, suspendue à la paroi.
Près de Valserhône, entre le pont Convert et le barrage Métral, une passerelle en encorbellement suit le cours de la Valserine. © Gilles Lansard / Détours en France

Sur les traces d'une époque jurassic

Conçue à la fois pour les visites et pour protéger les empreintes fragilisées par l’érosion, la « canopée » est un bâtiment en bois à la structure unique. Elle donne accès à la partie supérieure de la piste aux empreintes, découverte en avril 2009 lors de fouilles menées par la Société des naturalistes d’Oyonnax.
Conçue à la fois pour les visites et pour protéger les empreintes fragilisées par l’érosion, la « canopée » est un bâtiment en bois à la structure unique.  © Gilles Lansard / Détours en France

À la période Jurassique, le Jura était une mer peu chaude et profonde parsemée de terres faiblement émergées, semblable aux Bahamas. Des troupeaux de dinosaures profitaient de la végétation luxuriante qui y poussait. La preuve ? On a retrouvé leurs empreintes de pas, incrustées dans le sol meuble, devenu calcaire. Depuis les années 2000, près d’une quarantaine de sites ont été mis au jour, révélant la présence de dinosaures au Jurassique supérieur. Ils ne vivaient pas dans le Jura plus qu’ailleurs, mais l’histoire géologique de la région a conservé la trace de leur passage, voilà 150 millions d’années. À Loulle, les paléontologues ont dénombré 1500 empreintes miraculeusement conservées sur 4000 mètres carrés, dont 25 pistes. Certaines pistes sont longues de plusieurs dizaines de mètres. Ici vivaient de petits théropodes (tyrannosaures) et des sauropodes (diplodocus, brontosaures) de plus de 40 mètres de long, pesant plus de 50 tonnes. En 2009, un important site a été découvert à Plagne, non loin de Nantua : Dinoplagne. On y a dégagé la plus longue piste d’empreintes de dinosaures du monde : 110 pas, laissés sur une distance de 150 mètres par un titanosaure de plus de 30 mètres de long pour au moins 40 tonnes. Même les doigts et bourrelets des pattes se lisent dans la boue fossilisée, signe que la bête s’était légèrement embourbée ! Une canopée en bois, aménagée pour les visiteurs, protège la piste et la met en valeur. À voir aussi, les empreintes d’un théropaude (sorte de grosse autruche carnivore). Dinoplagne est ouvert au public depuis l’été 2021.

Dinoplagne : visite sur réservation (incluant un film en réalité augmentée). Tarif 12 € (enfant 8 €). 0450484868. Ouvert l’été. Dinoplagne.fr

Sources

Sujets associés