
La mer s’est retirée et dévoile des rochers couverts d’un écheveau d’algues vert luisant. Bottes au pied et couteau à la main, Lenny Gouedic s’avance dans les flaques et commence à prélever les longues lanières dentelées de la laitue de mer vivante. Nous sommes sur la côte du pays Bigouden, dans le Finistère Sud, pas loin de Plozévet. « Je suis un paysan de la mer. C’est la marée et la météo qui dictent l’activité », explique le fondateur de Begood Alg qui transforme cinq à sept espèces d’algues en paillettes et tartares au goût iodé. Chacune a sa saison et la petite entreprise réalise sa cueillette, toutes espèces confondues, entre mars et octobre. « Au moment de la coupe, on veille à laisser le pied pour permettre la repousse », souligne le trentenaire. Depuis longtemps utilisées pour fabriquer des gélifiants pour l’industrie agroalimentaire (à partir du goémon récolté en mer d’Iroise) ou pour fertiliser les champs, les algues conquièrent une place de plus en plus importante dans les cosmétiques, la pharmaceutique... et, surtout, dans nos assiettes.

Les vedettes montantes de la santé alimentaire
Riches en vitamines, minéraux, oligoéléments, protéines et fibres, mais pauvres en calories, les algues ont tous les atouts pour être au menu d’une alimentation au service de la santé. Elles sont aussi des alliées de choix pour les régimes alimentaires particuliers. À plus grande échelle, les scientifiques y voient une ressource d’avenir pour contribuer à nourrirune planète à la population croissante. Mais les algues sauvages ne seront pas suffisantes. La culture, qui existe déjà, est ainsi promise à un bel avenir.
Un calendrier strict
Ils sont près de 70 récoltants dans le Finistère à cueillir suivant un calendrier réglementé selon les espèces. Rares sont les ports bretons où l’on n’en trouve pas en bocal sur les marchés, façon tartare ou rillettes. « Toutes les algues sont comestibles. La laitue de mer a un goût herbacé proche du persil. La dulse distille des notes iodées et rappelle aussi la noisette. La nori exhale, une fois séchée, une saveur de champignon. C’est elle qui entoure les makis asiatiques », poursuit Lenny qui récolte aussi du kombu royal et des haricots de mer semblables à des spaghettis.
Immédiatement après la cueillette, les algues sont rincées à l’eau de mer et mises à sécher sur des claies sous serre, « sans autre apport que le vent et le soleil », insiste le pêcheur à pied qui a toujours le nez dans les prévisions météo. « Le séchage dure entre 24 et 72 heures. C’est au toucher et au bruit quand on les froisse que l’on sait si elles sont bien sèches. » Dans l’atelier installé dans la maison familiale, Lenny et sa compagne Lucie Mandon s’attellent ensuite à la transformation artisanale. Broyées puis tamisées à la main, elles sont conditionnées en paillettes ou en tartares, avec des oignons, de l’huile, du vinaigre et du citron. Des produits labellisés bio car les algues sont prélevées dans des zones au sommet des classements sanitaires délivrés par les autorités.
