
Le col de la Schlucht est une frontière. Sur la grande crête des Vosges, ce lieu de villégiature prisé pour la beauté de ses panoramas accueillit, après l’annexion de l’Alsace en 1871, les Français nostalgiques venus contempler la province perdue. Près de ce col qui marque aujourd’hui la frontière entre l’Alsace et la Lorraine, la Meurthe prend sa source. Ce qui n’est encore qu’un torrent de montagne s’écoule bruyamment à l’ouest de la crête avant devenir un paisible ruban d’eau dans une vallée plate au niveau du Valtin. C’est depuis ce village aux maisons en bardeau de bois, à 750 mètres d’altitude, que démarre notre randonnée pour découvrir une authentique vallée vosgienne.

Paysages préservés

Sa beauté et son bon état de préservation ont donné envie aux équipes du parc naturel régional des Ballons des Vosges de nous la présenter. « La hêtraie sapinière et, dans une moindre mesure, des peuplements d’érables et de frênes ainsi que des plantations d’épicéas caractérisent le massif », nous explique Fabien Dupont, chargé de mission Natura 2000 Hautes-Vosges au sein du parc. « Notre métier consiste à coordonner les acteurs du territoire pour préserver ces sites. Un des enjeux est paysager : il faut maintenir des milieux ouverts en donnant à des éleveurs des périmètres en friche pour que leurs bêtes pâturent là où l’on cultivait autrefois des céréales ou de la pomme de terre », poursuit l’expert. C’est le cas dans cette vallée des Vosges marquée par la déprise agricole que nous partons contempler en empruntant, à l’ouest, un sentier qui grimpe sur les pentes abruptes. Sous les feuilles jaunissantes d’érable, des moutons pacagent paisiblement. Un parfum de résine flotte, alors que nous nous enfonçons dans la forêt sur le sentier en balcon pour atteindre le site des Roches du Valtin.

Un bouquet de blocs de granite suspendus au-dessus du vide esquisse un belvédère naturel. « Voici une vallée glaciaire typique, reconnaissable à sa forme en auge », explique Gregory Bonne, accompagnateur en montagne qui balaie en dessous de nous les étendues planes couvertes de givre. En bas, la Meurthe miroite au milieu des prairies de fauche et c’est vers elle que nous amorçons notre descente, sur un chemin de randonnée tapissé d’aiguilles cuivrées et de pierres. « Les érables affectionnent ces zones d’éboulis », pointe notre guide en soulignant la capacité d’adaptation des troncs tortueux qui surgissent entre les rochers.
Fin de rando, au vert

Changement de décor dans le fond de la vallée des Vosges. Nous enjambons la Meurthe au hameau du Talet dans une débauche de verdure. « La grande qualité de la Meurthe en fait un ruisseau de référence fréquenté par les insectes les plus méconnus de la biodiversité, comme les plécoptères », souligne Fabien Diehl, autre chargé de mission Natura 2000 au sein du parc, qui nous a rejoints. Depuis le Talet, on peut aller vers le nord-ouest pour admirer 1500 mètres plus loin la belle cascade écumante du Rudlin. Après ce détour, nous traversons le village du Valtin pour suivre le chemin de randonnée qui remonte la Meurthe. Le cours d’eau affirme ici son caractère impétueux : il a tranché le verrou glaciaire et laisse entrevoir dans son lit les marmites de géant, des cavités creusées dans les blocs de granite par le courant. Le sentier s’échappe bientôt sur la route départementale qu’il faut traverser pour rejoindre le site du « jeu de cartes ». D’anciennes terrasses agricoles offrent un dernier point de vue sur Le Valtin dans son écrin de nature. Et c'est ici que notre chemin se termine.