Pour démarrer cette balade en direction des aiguilles de Baulmes, loin des accès principaux, cap sur Jougne, village situé sur la route Pontarlier-Lausanne. De là, il faut trouver le bon chemin carrossable qui remonte la vallée de la Jougnena, un petit cours d’eau franco-suisse affluent de l’Orbe, pour atteindre, à 1 028 mètres d’altitude, le refuge de la Queue, une cabane, au bord de la piste.
Chemin non balisé... et chamois en liberté

En cette matinée d’octobre, il n’y a personne, pas même un chasseur. Le chemin, qui continue de remonter la Jougnena, rive gauche en France, rive droite en Suisse, est un bonheur de balade automnale. Arbres rougeoyants, feuilles humides au sol, clapotis du ruisseau... Au bout de vingt minutes, la piste laisse la place à un raide sentier non balisé. Un quart d’heure d’effort et l’on tombe sur une première borne frontière en pierre, de 1824, marquée d’une fleur de lys. Ce n’est pas encore le moment de passer chez nos voisins... Alors que nous parvient de Suisse le tintement des clarines de quelques vaches, le sentier repique à gauche, puis à droite au panneau « Forêt domaniale de Jougne 215 ». Quinze minutes plus tard, on atteint une seconde borne (1953, marquée d’un F et d’un S). Cette fois, c’est la bonne ! Nous passons en Suisse et rejoignons 100 mètres plus loin le col de l’Aiguillon, traversé par une petite route. En face, un panneau indique « Sur le tour 10 minutes ; aiguilles de Baulmes 50 minutes ». C’est le bon chemin. Après avoir dépassé une ligne de blocs de béton antichars datant de la Seconde Guerre mondiale, l’itinéraire reste sous couvert forestier mais commence à offrir des trouées dans le paysage. Avec son plateau ondulant de prairies vertes et de bois sombres de conifères, le panorama est typique du Haut-Jura. Dix minutes après le col, une barrière signe l’entrée dans la « Réserve forestière des aiguilles de Baulmes », à 1 365 mètres d’altitude. Cinq minutes plus tard, un sévère sentier, à droite, attaque la dernière portion du parcours vers le sommet des aiguilles. Accompagnés du bruit des pales d’éoliennes dressées plus bas près du hameau suisse de l’Auberson, nous parvenons à la Croix des Aiguilles, point culminant, à 1 559 mètres, de cette ligne de crête. Quel panorama ! Sous un vent à décorner les vaches suisses, les falaises calcaires plongent sur les versants à prairies, la plaine agricole d’Yverdon, le lac et la ville du même nom. Par beau temps, on peut voir la chaîne des Alpes et le mont Blanc.

La suite de la balade le long de l’arête calcaire, en direction de « Cave noire–mont de Baulmes » nous réserve une excellente surprise. Deux chamois gambadent sur la pelouse sommitale, devant nous. Plus loin, c’est toute une bande que nous surprenons, adultes cornus accompagnés de jeunes de l’année. Protégés dans cette réserve, ils sont à peine dérangés par les randonneurs que nous sommes. Les plus courageux pourront poursuivre jusqu’au mont de Baulmes, à près d’une heure de marche. C’est plus ou moins le terme de la ligne de crête. Sinon, retour « à gauche toute » (ne pas aller jusqu’à « Cave noire »), en franchissant un portillon en fer à hauteur d’un panneau où il est écrit « Chemin des crêtes du Jura 5 ». Sous une pluie fine, nous descendons vers le chalet de l’Aiguille (1 487 mètres), rejoignons la barrière « Réserve forestière », le col de l’Aiguillon puis la borne frontière de l’aller. Retour en France ! Reste ici à prendre un autre chemin, à droite, pour retrouver le refuge de la Queue. Il n’est plus qu’à 45 minutes de marche, dans un décor de sous-bois de carte postale. Sur le tapis moussu de la forêt, des champignons brillent de leurs chapeaux colorés. Rouge vif des amanites tue-mouches, brun des laccaires et des champignons de troncs... La descente, sous le bruit de lointaines tronçonneuses et de chant d’oiseaux, est restée solitaire...
